Le référendum du 23 juin dernier au Royaume-Uni a fait apparaître au grand jour le clivage politique et culturel de la société britannique. Le Brexit, ce n’est pas seulement l’expression du souhait de voir le flux migratoire contrôlé… Le Brexit, ce n’était pas seulement la promesse de renflouer les caisses du système de soins de santé. Le Brexit, c’est aussi une réponse au désir de 52% des Britanniques de se libérer du carcan des règles et législations européennes. On assiste en fait à un conflit d’idéaux et de négociations inabouties depuis 1973, moment où le Royaume –Uni a rejoint la Communauté Economique Européenne…
Avons-nous une idée précise de ce qui se passe actuellement, près de deux mois après ce vote décisif?
L’esprit européen va-t-il continuer de flotter au Royaume-Uni ?
Autant de questions que nous aborderons avec Julian Popov, ancien ministre de l’Environnement du gouvernement bulgare, conseiller politique principal de la Fondation Européenne pour le Climat et président de l’Institut Européen pour la Performance Energétique des Bâtiments, à Bruxelles.
« Après le premier choc, suite à ce résultat inattendu, deux ou trois semaines se sont écoulées. Il est alors apparu que ce serait le résultat définitif et qu’il était peu probable que quelque chose puisse encore y être changé par la voie juridique ou politique. La situation peut en général être qualifiée de calme et travailleuse. La première ministre Teresa May s’impose progressivement. Elle a réussi à asseoir rapidement son autorité et considère le Brexit comme une tâche à accomplir et non comme une idéologie politique.
L’essentiel à retenir est que le clan euro-sceptique du parti conservateur a obtenu ce qu’il voulait, c’est-à-dire qu’il n’a plus de raisons de vouloir à tout prix quitter le parti.
Que dévoilent les médias britanniques et quelles sont les figures politiques qui se distinguent?
Il est important de voir de quels médias on parle et comment ils sont lus. Certains ont repris toute l’initiative, toute la campagne. Ils faisaient vraiment partie de cette campagne. Les tabloïds de droite, bien sûr, ne présentaient pas les sondages de façon objective. Ils participaient pleinement à la campagne. Mais les médias sérieux comme la BBC, le Times, le Telegraph ou le Financial Times et d’autres faisaient vraiment une analyse de la situation. L’Union Européenne et la Commission Européenne, en particulier, devraient réfléchir sérieusement à leur stratégie de communication et à la façon dont elles se présentent.
Juliana Boyanova, fraîchement diplômée en journalisme de la City University de Londres voit la situation ainsi:
Je pense qu’il règne pour l’instant un calme très étrange qui, pour moi, n’est pas spécialement positif et qui me préoccupe. Après cette campagne plutôt intéressante et houleuse autour du Brexit, on assiste vraiment à un grand retour au calme. Les grandes figures qui avaient participé à la campagne, comme Boris Johnson ou Michael Gove sont plutôt silencieuses sur le sujet, actuellement. Selon le quotidien The Independent, le Brexit pourrait être reporté jusqu’en 2019 parce que les accords entre la Grande-Bretagne et les principales institutions européennes ne sont toujours pas clairs. Nombreux sont ceux qui ont été trompés par l’argument selon lequel les fonds que le Royaume Uni verse à l’UE seraient réaffectés aux soins de santé. Je pense que ce n’était pas honnête vis-à-vis des électeurs car tous les politiques savaient que c’était une impossibilité. Mais je suis optimiste. Je pense que l’idée européenne reste vivante, même si les institutions ont vraiment besoin d’être réformées.
Maria Spirova, rédactrice pour une maison d’édition juridique, traductrice et journaliste free-lance et également collaboratrice de l’Institut des Politiques Européennes commente la situation:
Après près de 60 jours de réflexion, la seule chose qui soit claire pour l’instant est que l’élite politique britannique ignore ce que sera le Brexit. Elle se retrouve dans une impasse intéressante. Mais pour que cette élite sache où elle en est, elle devra discuter avec ses homologues européens, en premier lieu avec le président Hollande et la chancelière Merkel. Mais Hollande et Merkel ont annoncé qu’ils n’aborderaient pas cette question avant le déclenchement de la procédure de l’article 50 du Traité de Lisbonne. Nous sommes un peu dans une voie sans issue, face à un chaos mal dissimulé mais calme, car on ignore quelle est la nature du Brexit et quand viendra son heure.
Le Royaume Uni a enfin compris ce que l’UE lui répétait depuis 2014. A savoir qu’en cas d’éventuelles négociations, le pays ne dispose que de 20 personnes ayant de l’expérience en matière de conclusion d’accords commerciaux, qui auront face à elles 400 à 600 spécialistes de l’UE. Vous comprendrez que ce n’est pas une position qui permettra au Royaume Uni de développer une stratégie stable pour manœuvrer sa barque hors de l’UE.
Quand on sort de Londres, le reste du pays est un autre monde. On n’y ressent pas aussi directement les bienfaits de la mondialisation de la capitale cosmopolite. Les gens n’ont jamais perçu les avantages apportés par l’Union Européenne et sa liberté de circulation des citoyens, comme c’est le cas de ceux qui travaillent et vivent à Londres. Au Pays de Galles et en Cornouailles, qui seraient des territoires sinistrés sans l’infrastructure financée par l’Union, le débat sur l’appartenance à l’UE n’a même jamais eu lieu.
Version française: Rita Morvan
Crédit photos : Atina Dimitrova et archives personnelles
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