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La Bulgarie après les protestations : budget retiré, citoyens mobilisés

jeudi, 4 décembre 2025, 14:00

La Bulgarie après les protestations : budget retiré, citoyens mobilisés

PHOTO : BGNES

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Ces derniers jours la Bulgarie est devenue la scène de protestations sociopolitiques massives avec des dizaines de milliers de manifestants dans les grandes villes du pays le 26 novembre et le 1er décembre qui réagissaient au projet de budget pour 2026 proposé par le gouvernement, mais aussi poussés à bout pour des raisons allant bien au-delà des considérations financières. Les protestations les plus massives dans notre pays de ces dernières années se sont transformées en revendications pour des valeurs, de la justice sociale et des principes démocratiques. Le gouvernement a retiré son projet de loi de finances pour 2026, l’année où la Bulgarie entrera dans la zone euro, a repris les négociations avec les partenaires sociaux et des analystes se sont mis à évoquer les législatives anticipées, les jugeant inévitables. Opinion partagée par le président Roumen Radev dans une adresse à la nation :

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Les tentatives de présenter les protestations comme une rébellion contre le budget sous-estiment cet événement. Les affirmations que ce soulèvement n’était que celui des jeunes font bien peu de cas de ce processus, parce que des gens de toutes les générations étaient dans la rue. Les Bulgares ont fait entendre leur voix contre l’État détourné, la corruption, le mépris de la loi et le refus de la classe politique de les entendre, a dit Radev, ajoutant que les législatives anticipées étaient la seule issue.

"Le gouvernement ne doit pas démissionner", a répliqué le leader du plus grand parti de la coalition au pouvoir GERB, Boyko Borissov. La coalition d’opposition "Poursuivons le changement – Bulgarie démocratique", qui a organisé les protestations, a déclaré de son côté qu’elle déposerait cette semaine une motion de censure du gouvernement au parlement.



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Les dirigeants ne peuvent plus ignorer la réaction sociale et les protestations pourraient gagner en ampleur, a indiqué l’adjoint au doyen de la Faculté d’économie de l’Université de Sofia le maître de conférences Todor Yalamov :


PHOTO : Université de Sofia

Ce budget était censé être une manière de fêter notre entrée dans la zone euro, une démonstration de stabilité et de vision d’avenir qui persuaderait les jeunes gens de rester en Bulgarie pour y développer leurs activités économiques. La classe moyenne reste négligée, bien qu’elle soit l’épine dorsale de l’économie.

La juriste Tatyana Dontchéva, leader de "Mouvement 21", explique l’escalade des protestations par le sentiment grandissant que les gens au pouvoir se croient intouchables et agissent avec impunité :

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Les dirigeants rivalisent d’insolence et depuis l’automne c’est devenu insupportable, a-t-elle dit sur la RNB. Elle a décrit la vie politique comme quelque chose de confus et d’imprécis, dominé par les improvisations et les émotions. Dontchéva pense que la grogne sociale peut amener un nouveau cycle électoral si le gouvernement n’arrive pas à regagner la confiance des citoyens.

Le sociologue Dobromir Jivkov de l’institut de sondages "Market links" pense que ces protestations ne sont pas simplement une réaction à des décisions concrètes, mais une profonde opposition de valeurs. "C’est un mouvement de protestation basé sur les valeurs. Les citoyens bulgares réagissent aux menaces pour la démocratie qui proviennent de la majorité au pouvoir", a-t-il dit sur la RNB.



PHOTO : RNB

Il ne faut pas pour autant exclure l’aspect socio-économique de la grogne sociale, indique le sociologue : "Il y a des gens qui n’aiment pas ce budget avec ses impôts plus élevés sur les entreprises, l’accroissement des dépenses publiques et l’ingérence de l’État à des niveaux que nous n’avons pas vus depuis des années". Il compare l’énergie civique actuelle à celle des protestations massives de 2020 qui réclamaient un changement du modèle politique dans tout le pays et aussi dans des villes étrangères ayant des communautés bulgares :

Mais cette tension sociale que nous avons vue il y a cinq ans dans la rue n’a pas atteint ses objectifs de réformes en Bulgarie, surtout pour des institutions anti-corruption, un parquet et un système judiciaire efficaces. Ces revendications avaient alors un soutien de 75%, mais elles ne se sont pas matérialisées.

Dobromir Jivkov partage l’avis que des législatives anticipées sont de plus en plus probables :


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Je pense que nous aurons des élections anticipées avant un an étant donné les événements de la semaine écoulée. Il y a aussi un nouveau candidat au titre de sauveur de la Bulgarie de cette crise politique : le président Roumen Radev dont on attend un retour à la normale, parce que c’est bien ce qui est la principale motivation des manifestants.

Le retrait du projet de budget pour 2026 montre que la majorité au pouvoir sent la pression grandissante à laquelle elle est soumise. Reste à savoir si cela est un signe d’une révision en profondeur à venir ou d’un simple repli tactique.

 

Édition : Eléna Karkalanova

Version française : Christo Popov