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La magie du khoro bulgare. La veillée du levain…

Photo: archives
« Veiller le levain » est une ancienne coutume bulgare pratiquée entre la Saint Ignace/20 décembre/ et la Saint Basile/le 1er de l’an/. Un rituel entouré de mysticisme et très peu connu de nos compatriotes. Il est décrit pour la première fois à la fin du XIXe siècle en Bulgarie du Nord et du Nord-est, même si d’autres régions ne l’ignorent pas totalement.

Nombreuses sont les variétés de pain confectionnées par les Bulgares, mais on sait que le pain du quotidien, ordinaire n’était pas au levain, c’était du pain azyme, confectionné de céréales comme d'autres, mais non levé car il était uniquement constitué d'eau et de farine pétris ensemble. Il était cuit à même les braises ou dans les cendres et ressemblait plutôt à une galette qu’à une grosse miche. Il était rompu à la main et non pas coupé au couteau et le plus souvent il était consommé tartiné de beurre frais ou de miel. Sa présence était symbolique dans des rituels liés aux vœux de santé, à la naissance d’un enfant, pour chasser les maladies ou apitoyer des créatures mythiques.

Voilà pour le pain de tous les jours, qui n’avait rien à voir avec sa variante plus raffinée et soignée servie les jours de fête. Et là, le pain était confectionné au levain, il avait beaucoup de volume, une pâte alvéolée et une croûte richement décorée de chutes de pâte. On ignore à quoi remonte la fabrication des premiers pains au levain. Une chose est sûre, le levain sert à ensemencer la pâte et à anoblir les produits de boulangerie. Il faut commencer par créer un levain naturel "le chef". Il s’agit dans un premier temps d’élaborer une culture initiale et on va entretenir ce levain spontané pour qu'il puisse donner à l'infini de bons pains. Pour le créer il faut rassembler les conditions nécessaires à la vie : de la chaleur et de la nourriture (eau + farine). Chaque levain naturel spontané du monde comporte et des bactéries lactiques et des levures vivant en symbiose. On dit en Bulgarie que le levain est le « géniteur » du pain, à cause de ses capacités d’ensemencement de la pâte. Et comme on l’utilise plusieurs fois, il faut veiller à le nourrir en permanence. D’où cette coutume bulgare dont quelques maigres réminiscences ont subsisté de nos jours dans certains villages autour de la ville de Roussé, en Bulgarie du Nord-est.

La veillée du levain commençait le soir du 19 décembre, à la veille de la Saint Ignace pour prendre fin au 1er de l’an, la Saint Basile. Une dizaine de journées dites « sales », puisque opérant la transition entre la vieille année et l’an neuf, entre le chaos et le nouvel ordre de l’univers. Seules les femmes étaient concernées, dont une partie des guérisseuses et des voyantes. Et tous leurs gestes s’articulaient autour d’une grande farandole, le fameux khoro magique. En confectionnant le levain, les femmes rajoutaient à la farine et à l’eau une poignée d’herbes aromatiques aux vertus curatives ou magiques. Et elles veillaient toute la nuit le levain, et ce rituel se reproduisait chaque jour jusqu’à la fermentation complète de la farine et de l’eau.

Dans certains villages de la Bulgarie du Nord, le rite voulait que l’on tamise plusieurs fois la farine, et que la pâte à pain soit pétrie par une jeune fille dont les deux parents étaient vivants. Quant à l’eau utilisée, elle était apportée de la source toute proche dans le silence le plus religieux, d’où son appellation « eau silencieuse ». Evidemment, toutes ces pratiques où paganisme et christianisme se rencontrent donnaient lieu à de véritables cours d’apprentissage, où les femmes plus expérimentées communiquaient leur savoir-faire aux jeunes filles et les préparaient ainsi à leur vie de femmes mariées…

Présenté par Sonia Vasséva

По публикацията работи: Albéna Bézovska


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