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Les tapis de Kotel ou l’expression d’un savoir-faire séculaire

Les tapis de Kotel
Photo: ranica.eu
L’art de la tapisserie transmis de génération en génération est une des grandes traditions de l’artisanat en Bulgarie. On connaît dans le pays plusieurs centres de ce métier parmi lesquels les villes de Tchiprovtsi et de Kotel qui ont fait la gloire des tisserands bulgares à travers le monde. C’est précisément dans ces deux régions que la fabrication de tapis se distingue par une qualité exceptionnelle ce qui lui garantit des marchés non seulement dans le pays mais aussi à l’étranger. Il existe deux versions concernant les débuts du métier dans la région de Kotel. La première laisse entendre que la fabrication de tapis est venue de Tchiprovtsi après l’échec de l’insurrection contre le pouvoir ottoman en 1688. La seconde version affirme que l’art de la tapisserie est venu sur ces terres de la Géorgie lointaine grâce aux commerçants de la ville de Kotel.

© Photo: ranica.eu

Une des salles du musée
Les détails sur l’histoire du métier sont très rares en raison de l’incendie qui a ravagé Kotel en 1894. Heureusement, au musée d’Ethnographie ont été conservés 34 tapis dont 8, datés, le plus ancien étant de 1860. “Ces tapis surprennent par leur finesse, par leur éclat et l’harmonie des couleurs, explique le directeur de l’exposition « Tissus et tapis de l’ancien Kotel » Stefan Ivanov. On peut à juste titre affirmer que ces tapis sont l’oeuvre d’artistes populaires d’un talent et un goût exceptionnels ».
“Le tapis de Kotel est une émanation de la riche spiritualité de la femme de Kotel – mère, épouse, artiste, nous confie l’expert. La ville de Kotel au temps de la Renaissance a été un centre de nombreux métiers, comptant sur l’élevage ovin. Il faudrait peut-être mentionner que les éleveurs venaient dans leur majeure partie de la région de la Dobroudja, tandis que les femmes étaient de la ville. C’est grace aux contacts commerciaux de Kotel avec l’Orient et les immenses marchés de l’empire ottoman qu’on en est venu à ce fameux tapis. Il est venu précisément de l’Orient et il est devenu peu à peu un produit commercial et artistique très intéressant”.

© Photo: ranica.eu

C’est justement à la sensibilité artistique des femmes de Kotel que nous devons les magnifiques exemplaires d’authentiques tapis de Kotel qui portent parfois des noms bizarres. Prenons par exemple “Les volatiles” qui est un des tapis les plus vieux. Il a été appelé ainsi en raison des diamants au centre du tapis qui ressemblent à des cerfs volants, des volatiles dans la langue locale. Un autre tapis, “Les colliers” est similaire à lui. Les diamants dans ce cas sont entourés de lignes en zigzag. “Les étoiles frisées” sont un chef d’oeuvre de l’art de la tapisserie au XIXe siècle. Les decorations sous forme de papillons, de petits oiseaux, de vignes, de branches en fleurs reflètent le printemps et la fertilité. Tous ces éléments témoignent des goûts esthétiques de la femme de Kotel. Au temps de la Renaissance elle produit des tapis avec des compositions et des décorations qui sont le fruit des fantaisies artistiques de plusieurs générations. “Elle y incorporait les frissons timides de sa tendre âme, ses aspirations à la liberté et à la beauté à travers des étoiles et des oiseaux, ses espoirs de libération dans les sabres brandis”, poursuit ses explications Stefan Ivanov.

© Photo: ranica.eu

“Il y a de nombreux tapis qui sont en soi-même uniques car ils sont le fruit des souffrances, de chagrin, de la joie, de la vie quotidienne des chrétiennes. Il est intéressant de mentionner que ces femmes laissaient libre leur fantaisie en donnant des noms curieux à leurs tapis et exprimaient leur désir d’education. Sur les bords des tapis on aperçoit des lettres de l’alphabet qui ont été tissées. Normalement c’était la lettre K du nom de la ville. Les aspirations à la libération nationale étaient incarnées par des sabres et tout cela jouait le rôle d’appel au combat. Le caractère unique de tous ces tapis témoigne du degré auquel la femme de Kotel était le centre de la vie familiale”.
Typique pour les tapis de Kotel est la fraîcheur des couleurs pastel, les colorants naturels étant obtenus à partir d’herbes de la montagne.
“A la fin du XIXe siècle les habitantes de Kotel faisaient provision de colorants dans le laboratoire naturel de la région, évoque Stefan Ivanov. Ainsi par exemple, le noir est produit à base d’écorce de sapin, le jaune – des racines d’armoise sauvage, le brun – d’aubépine noire, le beige foncé – de spurge jaune, etc. Dans l’industrie du XIXe siècle on se sert de l’aniline pour les colorants. Il mérite d’être mentionné que dans notre exposition les tapis colorés avec des produits naturels ont toujours les couleurs vives tandis que ceux pour lesquels on a utilisé des colorants à base d’aniline on observe déjà les traces du vieillissement. Nous avons dans le musée un tapis vieux de 136 ans et il surprend les visiteurs avec sa fraîcheur et sa beauté. Au temps du socialisme, le métier de la tisserie a été industrialisé. Il y avait à cette époque une école industrielle pour la formation de tisserands. Il est dommage qu’après la fermeture du lycée des arts en 1980 ce métier se perd peu à peu. Il y a cependant encore des femmes héritières des fameux tisserands qui continuent à tisser à la maison des tapis qui sont toujours des objets uniques comme leurs prédécesseurs. On risque cependant de voir ce métier peu à peu disparaître et à sa place il ne nous restera qu’un beau souvenir de la gloire des métiers du temps de la Renaissance et du siècle passé”. 

Version française : Vladimir Sabev
sabev@bnr.bg

По публикацията работи: Darina Grigorova


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