Ces dernières années, à Sofia, de nombreuses librairies ont poussé comme des champignons, partout - en centre-ville et dans les grandes surfaces, ainsi que dans les petites ruelles et les banlieues. Vous avez certainement entendu parler de la place Slaveykov, au coeur de la capitale, avec son unique marché du livre en plein air qui, lui, a su traverser toute sorte de tempêtes - économiques, culturelles, etc. Après la fermeture en masse des anciennes librairies au début de la période de transition pour céder la place aux boutiques de luxe et aux cafés, à présent, comme si le commerce du livre vit une renaissance. Et on ne peut que s’en réjouir.
Cependant, il est tout à fait légitime de se poser la question: comment toutes ces librairies arrivent-elles à survivre face à une telle concurrence? Afin d’essayer de décortiquer la situation du commerce des livres, nous avons recueilli quelques témoignages de gens qui y sont impliqués depuis des années.
« Le nombre hallucinant de librairies, surtout à Sofia, crée l’illusion que la production de livres est actuellement en plein boom - dit Assen Mitov, qui est dans le business depuis 1989 et détient maintenant une petite librairie. - Selon moi, ce processus n’est pas sain et stable. Le fait que des livres d’auteurs de notoriété à des tirages de mille exemplaires ne trouvent pas acheteurs pendant des années, est un mauvais signe quant aux tendances. »
Les propriétaires de petites librairies misent sur le traitement spécial des clients qui est leur arme principale dans la lutte inégale avec les grands acteurs du marché.
« Les clients réguliers sont un élément essentiel de la chance de survie d’une petite librairie - ajoute Assen Mitov. - Cela signifie de maintenir un certain taux de lecteurs qu’on a gagné et retenu au cours des années, ce qui est une tâche difficile. Cela se fait avec des conversations, des recommandations de titres intéressants. Quand quelqu’un est content, il revient. »
Les éditeurs, eux aussi, ouvrent de plus en plus souvent leurs propres librairies pour échapper aux grossistes qui empochent de juteux bénéfices. La maison d’édition “Fut“, spécialisée dans les livres pour enfants, gère depuis une dizaine d’années trois librairies à Sofia. Pour attirer les bambins, ils organisent chaque samedi dans l’une d’entre elles une matinée jeunesse avec toute sorte d’animations. Pavlina Guénova, une des libraires, parle de leur combat quotidien pour survivre face à la concurrence: « Nous luttons avec courtoisie et compétence. Nous proposons également un très large éventail de livres, surtout pour enfants, qui attirent les gens. Même en temps de crise, on achète toujours pour les gosses. Quant aux livres pour adultes, on observe un certain recul des ventes. Cela est dû probablement aux nouvelles technologies, à l’émergence des livres numériques et la possibilité de lire sur son ordinateur ou sa liseuse. Ca coûte moins cher au client. Car le prix des livres a doublé avec la TVA, qui est l’autre raison du reflux des lecteurs. »
Ces dernières années, le commerce sur Internet s’impose de plus en plus et devient une vraie menace pour les librairies traditionnelles. « Les livres sont un des produits les plus vendus en ligne en Bulgarie », dit Petar Vantchev, directeur de la plus grande boutique en ligne dans le pays et président de l’Association pour le commerce électronique. Des centaines et des milliers de livres sont vendus chaque jour via Internet. Selon lui, en termes de chiffres d’affaires, seules les grandes chaînes de librairies peuvent les concurrencer. « Chez nous vous pouvez commander tout ce qui sort sur le marché bulgare, tandis que les librairies tiennent en stock uniquement les titres les plus vendus. Et puis, en achetant en ligne, les gens gagnent du temps, c’est beaucoup plus pratique », explique Petar Vantchev.
Guergana Nédéva fait partie des personnes pour qui le livre est une douceur pour l’âme. Et elle nous raconte où est-ce qu’elle préfère acheter ses livres : « Le plus souvent à la librairie, parce que j’aime respirer l’atmosphère de l’endroit. J’aime le toucher, l’odeur, le son des livres. En plus, je peux m’installer confortablement dans un fauteuil et rencontrer des gens qui aiment aussi la lecture. J’aime tout ça. Je dirais même que c’est tout un rituel d’aller acheter un livre. »
Version française: Sia Karaguiozova
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