Les régions mixtes dans les Rhodopes sont traditionnellement connues pour leur tolérance. Et un des plus beaux symboles de cette cohabitation paisible entre chrétiens et musulmans est probablement le partage des fêtes du voisin. Comme les chrétiens goûtent du kourbane (le repas rituel offert à l’occasion de plusieurs fêtes musulmanes) et apprennent les petits musulmans à décorer les oeufs, la Saint-Georges est devenue l’une des fêtes les plus vénérées par les musulmans, quoiqu’elle est traditionnellement chrétienne.

Un tel exemple de bon voisinage est le petit village Skrébatno dans les Rhodopes. Ici la population est majoritairement musulmane, mais la tradition de célébrer chaque année la Saint-Georges est bien conservée. Ce qui est intéressant, c’est que dans la façon de marquer cette fête on retrouve nombre d’éléments d’autres coutumes bulgares printanières. Un proverbe de notre folklore dit qu’au jour de la Saint-Georges même l’oiseau ne fait pas son nid.

La fête commence encore à la veille, c.-à-d. le 5 mai, raconte pour RBI Silvia Kouybichéva, une musulmane du village et spécialiste de l’éducation et des programmes de l’UE dans la commune de Garmen: “Chaque année, à la veille de la fête, toutes les jeunes filles et femmes font le soir des bouquets de géraniums qu’elles mettent dans un récipient en argile et chantent deux chansons précises. Puis, elles cachent la poterie sous un rosier, pour que les jeunes hommes ne la trouvent pas et ne gâchent les bouquets.”

La verdure et l’hommage à la nature occupent une place centrale dans la fête. Le lendemain matin les filles vont inspecter les bouquets et lavent leurs mains. Ce rite symbolise les souhaits de bonne santé. Puis, elles se dirigent vers une prairie verte et s’y roulent pour se laver dans la rosée toute fraîche. Selon les croyances, toutes les maladies qu’on porte en soi, restent sur l’herbe fraîche et verte.

Après, c’est la partie joyeuse de la fête qui commence. Dans les Rhodopes, à la Saint-Georges, on fait également des prédictions amoureuses au travers des bouquets pour voir qui sera le futur bien aimé de la jeune fille. Les filles font une grande balançoire et commencent à se balancer dans l’attente des garçons. En ce jour ces derniers vivent une émotion particulière avant d’apprendre qui d’entre eux est entré dans les rêves d’une des filles la nuit précédente, car, selon la croyance, c’est lui qui sera son futur marié.

La Saint-Georges est connue aussi comme le jour des bergers et le jour de règlement des comptes. C’est alors que tous les débiteurs des pasteurs payent leurs dettes envers les animaux. En ce jour, dans certains villages, on engage le berger qui sera chargé du pâturage du bétail d’ici l’automne et on négocie sa paye par animal. Puis chaque éleveur lui offre un pain traditionnel et du fromage frais. Une grande partie des familles musulmanes sacrifient un agneau et les jeunes filles sont autorisées à sortir dans la nature avec les jeunes hommes.

Version française : Sia Karaguiozova