Pour 150 familles la fête de Pâques cette année sera triste. La raison, c’est le crash de l’A320 de la Germanwings dans les Alpes qui a fait la une des médias du monde entier. Toute sorte d’informations ont été publiées, souvent dépassant toute limite morale. Les journalistes devaient faire un grand écart entre l’information détaillée et complète et la retenue respectueuse. Et si le drame du 24 mars continue encore à occuper une place importante dans les médias en Allemagne, France et Espagne, ce qui est bien logique, le plaisir avec lequel une grande partie des médias bulgares effilochent le sujet sans aucune compassion et respect, est amoral.
Sur son profil Facebook, une des chaînes de télévision publiques en Allemagne a déclaré de manière catégorique qu’elle ne publiera pas les classements des catastrophes aériennes les plus meurtrières, ni des informations croustillantes sur les victimes et leurs familles. Finalement, la chaîne en question n’a pas tenu complètement sa promesse. Encore moins le quotidien allemand Bild dont le commentaire après l’accident a provoqué un boykott sans précédent du journal le plus vendu d’Allemagne et d’Europe. Selon les Allemands, ce quotidien avait dépassé toutes les limites en publiant des spéculations infondées, des théories du complot, des photos des victimes et en révélant l’identité du deuxième pilote. Le boykott a commencé depuis une petite station-service qui a annoncé qu’elle arrêtait les ventes du tabloïd. Cela pourrait être le début d’un processus de réflexion plus approfondi sur les médias et leur rôle dans la société.
Qu’est-ce qui s’est passé pendant ce temps en Bulgarie?
Les télévisions nationales rivalisaient pour montrer en direct des images du lieu du crash et de la ville natale du copilote, payaient des connexions par satellite bien coûteuses avec l’Allemagne et la France, diffusaient des interviews spéculatives avec des spécialistes douteux, tout cela au nom des audiences. Plus les journalistes dramatisaient le sujet, plus ils se prenaient pour des top professionnels. En Bulgarie, les photos du copilote ont aussi été publiées et tout le monde connaît déjà son nom. Mais personne ne réfléchit est-ce que cette réaction est la bonne, et encore moins de boycotter les médias scandalisants.
Une des premières leçons de journalisme se réfère à la simple règle du droit qui est la présomption d’innocence. Puis, les journalistes devraient avoir appris que chacun a droit à son espace personnel, même le présumé coupable d’un accident aérien. Ces règles toute simples ne sont respectées que par une poignée de journalistes bulgares. Cependant, les journalistes sont aussi des êtres humains, donc le voyeurisme et la passion pour les sensations ne leur sont pas étrangers. Depuis que les réseaux sociaux existent, c’est la course au dénigrement. Chacun y est expert en tout - du foot, en passant par l’annexion de la Crimée et la crise de la dette de la Grèce, jusqu’aux règles dans le cockpit. Toujours sur la toile, on fait des révélations sur l’enregistrement “exclusif” de la dernière minute du vol. Remarque: “On ne sait pas encore si l’enregistrement est authentique” - c’est une raison suffisante pour ne pas le publier. Le crash de l’avion dans les Alpes, avec à bord 150 personnes, est aussi, hélas!, le crash moral du journalisme.