Les jours avant leur bal de fin d’études scolaires, on les entend partout, compter à haute voix jusqu’à 12, le nombre d’années passées à l’école. Ils s’entassent dans des voitures de luxe en location et défilent dans toute la ville en poussant les klaxons à fond. Ils sont habillés de robes et costumes hors de prix et se baladent en buvant de l’alcool directement de la bouteille. C’est cela l’ambiance dans la ville, en pleine période des bals des bacheliers. Ces festivités qui coutent une fortune aux parents sont une tradition ancienne, mais il faut reconnaître que le rituel de fin d’études scolaires s’est transformé en une apologie du kitch, vidé de sens…

Le grand écrivain classique du 19^e siècle Ivan Vazov décrivait déjà cette fête qui dans le temps portait un autre message – enfants, parents, enseignants, notables locaux dans les villes et villages se rassemblaient pour célébrer les lettres et la connaissance. A cette époque les bacheliers célébraient leur savoir, aujourd’hui, les nôtres se célèbrent eux-mêmes.

Le bal des bacheliers en Bulgarie a pris une importance énorme, on le prépare bien en avance et chaque famille se sent obligée de faire des dépenses comme pour un mariage. Mais il est interdit de parler argent, c’est si facile de faire un crédit à la banque. Evidemment, les parents des filles sont contraints de dépenser plus que les parents des garçons. Il faut acheter ou commander chez la couturière la robe de soirée, acheter aussi les escarpins, le sac, les bijoux, payer le coiffeur, la manucure, la pédicure et on arrive facilement à 1000 euros pour commencer. N’oublions pas qu’une semaine avant, les bachelières passent par le solarium pour obtenir un joli teint hâlé et multiplient les séances de fitness, comme en témoignent les gérants des salles de sport. Et ce n’est pas tout. A la note s’ajoutent les frais pour la limousine, le repas offert aux proches de la famille la veille du bal et bien-sûr le repas et les boissons consommés à la soirée du bal.

Une nuit de luxe qui pour les bacheliers annonce le gout rêvé de toute une vie d’adulte à venir.

Or, la réalité est toute autre. La Bulgarie est le pays le plus pauvre de l’UE. Une personne sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté, qui est officiellement de 150 euros par mois. Le salaire moyen est de 400 euros par mois, pour une classe moyenne qu’il faut chercher à la loupe. Mais la nuit du bal on oublie tout, on dépense sans compter et après nous le déluge !

Pour terminer sur une note positive, notons que depuis deux ans nous observons des initiatives d’associations de citoyens qui appellent à un changement des mentalités. Certains élèves et leurs familles dénoncent ces dépenses injustifiées et en signe de protestation donnent une partie de l’argent prévu pour la fête aux plus pauvres, aux enfants dans les orphelinats, à ceux qui n’ont pas les moyens d’envoyer leur bachelier à l’université ou à une formation professionnelle. Les bacheliers qui ont fait le choix d’aider les autres, on les voit les jours de festivités habillés en simple jean et tee-shirt. Certes, ils ne sont pas nombreux mais peut-être qu’un jour ce rituel de fin d’étude deviendra-t-il une fête qui atteste autre chose que la culture du consumérisme.

Version française : Miladina Monova