Quels changements surviennent dans la psychiatrie bulgare après 1944 et comment l’idéologie communiste modifie les méthodes et en général le rapport au patient ? Quelles sont les spécificités des traitements des pathologies et d’autre part, comment le régime utilisait la psychiatrie pour mieux contrôler les insoumis et les marginaux ? Sur ces questions nous avons discuté avec Julian Chehirian, jeune chercheur américain et boursier Fulbright, qui travaille sur l’histoire sociale de la science psychiatrique de 1944 à 1989.
l Il était l’invité de la Fondation « La maison rouge » à Sofia, où il a présenté ses premières pistes de recherche, après une année de travail à base d’archives et d’interviews avec de représentants du personnel médical. Il s’intéresse surtout aux changements intervenus avec l’imposition des méthodes de la psychiatrie soviétique, de l’institutionnalisation des problèmes psychologiques et de la surmédicalisation des traitements.
Nous lui avons demandé ce qui a suscité son intérêt sur ce thème:
« Mon intérêt date de l’époque à laquelle je travaillais à la clinique psychiatrique de l’hôpital « Saint Elizabeth » dans l’Etat de Washington. J’avais déjà étudié la psychanalyse en tant qu’approche des pathologies et en tant que moyen de communication avec quelqu’un qui est considéré en dehors de la norme. Mais je n’avais jamais auparavant observé le milieu psychiatrique, représentatif de la norme dominante. Aux Etats Unis l’approche matérialiste des pathologies est dominante et je me suis demandé alors, comment ça pouvait se passer en Bulgarie où, après la Libération (1878), commence une période de modernisation agressive et pénètrent de nombreuses nouvelles méthodes de traitements, y compris la psychanalyse. Après 1944, un nouveau chamboulement bouleverse le dogme psychiatrique. Finalement, quel était le vécu du patient, qui de la 1878 à nos jours a pu etre l’objet de tellement d’idéologies et pratiques différentes » ?
Julian souligne que pendant la période communiste, il y a des psychiatres et psychologues avec des approches en dehors de la norme officielle, qu’ils réussissent à pratiquer sans être sanctionnés ou licenciés. Ils appréhendent la souffrance humaine avec curiosité et des méthodes non reconnues par la psychiatrie soviétique et son approche matérialiste. Par exemple, en 1963, le professeur Chipkovenski, publie un ouvrage sur la « thérapie libératrice », qui est centrée sur l’individu et a pour objectif de changer la manière à laquelle le patient se perçoit lui-même.
Officiellement, la psychothérapie et la psychanalyse sont considérées comme dangereuses dans une société où l’individu n’est qu’un élément dans un système collectif. Mais dans les années soixante-dix, un cercle de cliniciens, commence à s’intéresser à la thérapie de groupe, à la thérapie individuelle et à la psychanalyse.
« Ils commencent à pratiquer secrètement, au niveau individuel, en dehors des heures de travail. C’était le cas dans une clinique de pédiatrie, où le cercle de psychiatres rencontrait des adultes. Tout cela a commencé lors des fameux Symposiums danubiens où se réunissaient des psychiatres des pays autours du fleuve. Les médecins bulgares commencent à s’intéresser à la psycothérapie de groupe, qui était officiellement moins gênante que la thérapie individuelle ».
Julian Chehirian remarque que souvent, lorsqu’il parle avec le public en Bulgarie, on lui évoque le film « Vol au-dessus d’un nid de coucou » et on lui fait remarquer les pratiques cruelles de la psychiatrie américaines. La lobotomie, par exemple, est pratiquée jusqu’à la fin des années soixante-dix. Cependant, répond l’historien, cette pratique est restée marginale et les patients avaient d’autres choix de thérapies. En revanche, un autre grand problème demeure d’actualité, autant en Bulgarie qu’aux Etats Unis
« Le plus pénible et le plus problématique avec la psychiatrie clinique, c’est l’interminable rétention du patient, de son corps, dans une institution totale, sans envisager un processus de rétablissement et sa réinsertion future dans la société. Les patients restent coupés de la société, enfermés et réduits au statut d’objets de recherche pour la science psychiatrique. Le patient n’est plus l’acteur de sa propre vie. C’est le grand échec des thérapies médicamenteuses en psychiatrie ».
La thérapie par le travail est une des innovations de la thérapeutique socialiste. Sur les photos, à l’expo organisée par J. Chehirian à la « Maison rouge », nous voyons des hommes qui manipulent des machines et fabriquent des balais, des femmes qui font de la couture. Aux États Unis et en Occident on accusait les régimes communistes d’exploiter et de punir ainsi les malades. Or, des années plus tard, la thérapie par le travail est reconnue par beaucoup de cliniciens. Une étude faite dans l’Etat du Vermont montre, qu’à certaines conditions, la thérapie par le travail permet aux patients diagnostiqués comme atteints de schizophrénie, de construire des relatons sociales entre eux. En Bulgarie pendant le socialisme, des médecins essayaient d’introduire la thérapie par le travail comme une alternative aux traitements médicamenteux. Mais cela ne marchait pas toujours.
Dans son travail, Julian a rencontré des exemples d'utilisation abusive de la psychiatrie par le régime. Nous lui avons demandé de nous en citer un :
« Le professeur Milenkov se souvient d’une pratique courante du régime qui est révélatrice de la récupération politique de la science psychiatrique. Lors de visites de diplomates occidentaux importants, des camionnettes de la milice passaient dans certains quartiers pour ramasser des rues et des jardins publics les gens qui semblaient marginaux ou ayant un comportement asocial. Les miliciens les amenaient à l’hôpital sous le prétexte que ces gens ont l’air d’avoir une maladie mentale et qu’il faut leur poser un diagnostic. Plusieurs jours passaient, le temps que les psychiatres les examinent tous. Le diplomate a eu le temps de venir, de se promener et de repartir ». Pour la délégation occidentale, le paysage urbain socialiste est resté propre.
En conclusion, le jeune chercheur ajoute : « L’idéologie est importante, mais il ne faut pas oublier que la psychiatrie est pratiquée par des gens. Il serait simpliste de considérer la période socialiste comme un trou noir, où il ne s’est rien passé, sans expérimentations, sans innovations, sans conflits. C’est ce que je cherche à démontrer dans ma recherche. »
L'exposition de Julian Chéhirian à la Maison rouge est ouverte jusqu'au 9 octobre.
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