„Il est à regretter qu’à l’évocation de la Renaissance nationale bulgare et des personnalités emblématiques de cette époque, nous nous laissons aller à la facilité et négligeons les enseignements que nous aurions dû en tirer après la Libération du pouvoir ottoman (1878). La Renaissance - une époque, qui à première vue semble bien connue, mais à bien y réfléchir, on devrait avouer la main sur le coeur, que nous ne la connaissons pas autant qu’il faudrait. A l’occasion du 1er novembre, la Journée des Lumières, nous avons demandé au professeur Plamen Mitev de brosser le portrait d’une des figures emblématique de la Renaissance bulgare – Sophroni de Vratza (1739-1813). Pour nous, Bulgares, le précurseur de ce mouvement des guides spirituels pendant les siècles de domination ottomane a été le moine Païssi de Hilendar (1722-1773) et son „Histoire des Slaves bulgares”, qu’il a achevé d’écrire en 1762. Pourtant son adepte Sophroni de Vratza va plus loin sur les brisées de son maître à penser. Païssi écrit le premier ouvrage de la Renaissance bulgare, consacré à l’histoire de son peuple dans sa cellule monastique de Hilendar mais ses écrits demeurent encore longtemps loin des regards du public. „ L’Histoire des Slaves bulgares„ ne devient populaire que dans les années 70 du XIXe s. grâce au savant Marin Drinov, à la différence du travail accompli par Sophroni de Vratza qui laisse des traces directes et profondes pour l’éveil spirituel des Bulgares, affirme le prof. Plamen Mitev:
„Outre les deux copies qu’il a faites de l’Histoire de Païssi, Sophroni est également l’auteur de plus d’une dizaine de manuscrits, dont les deux recueils de Vidine qui sont d’une portée capitale. Dans le deuxième recueil, il exhorte les fidèles à ne pas donner leur argent aux monastères, mais à des maîtres pleins de sagesse qu’ils la dispenseront à leurs enfants, en leur apprenant tout ce que les autres peuples européens ont déjà appris et mis en œuvre dans leur histoire politique“, dit le professeur Mitev.
„Toujours à cette époque, entre 1803 et 1808, Sophroni de Vratza traduit quelques textes extrêmement précieux. Il rédige un ouvrage sur les trois grandes religions monothéistes - judaïsme, christianisme et islam, qui confèrent la diversité confessionnelle des Balkans. Sophroni de Vratza traduit du grec en bulgare le „Theatron politikon” d’Ambroise Marlian, un ouvrage politique très populaire au XVIIIe s. qui traite des modèles politiques des Etats. De cette manière, Sophroni, esprit brillantissime, essaie de former les futures élites politiques au début des luttes de libération et leur indiquer le meilleur choix à faire de l’expérience humaine”.
L’ouvrage phare de Sophroni, le „Kiriakodromion„ ou „Nedelnik„ – réunissait les sermons prêchés dans la langue de ses contemporains, à l’usage des gens simples ; il est le premier livre imprimé en bulgare moderne, sorti des presses en 1806. Jusqu’à la libération le „Nedelnik„ est l’ouvrage le plus vendu - rappelle le professeur Plamen Mitev - il avait subi pas moins de 6 rééditions: „Il n’y a pas d’église en Bulgarie qui ne possède au moins un exemplaire de cet ouvrage dont se servent les prêtres dans les liturgies.”
En 1811, Sophroni adresse une lettre au général Mihaïl Koutozouv commandant des troupes russes de la Guerre russo-turque de 1806-1812. Il y expose les aspirations des Bulgares dans une sorte de vrai programme politique:
„Sophroni propose la création d’une région autonome dans laquelle les Bulgares exploiteront librement leurs ressources naturelles, développeront le commerce et l’artisanat, édifieront des fabriques, mettront sur pied le système de l’éducation. Il propose pour ce faire la région de l’estuaire du Danube, là où le khan Asparoukh avait fondé le premier Etat bulgare dans l’espoir qu’avec le temps à cette région viendront s’agglomérer d’autres territoires bulgares“ - poursuit le professeur Mitev:
„Au début du XIXe s. Sophroni apparaît comme un homme fermement décidé d’aider au règlement le plus judicieux et équitable de la question bulgare et qui essaie de réaliser en pratique son rêve. Il prend une part considérable à l’organisation de l’émigration bulgare dans l’espoir que la guerre russo-turque de 1806 apportera la liberté à sa patrie. Hélas, son rêve ne se réalise pas. Sophroni de Vratza meurt en 1812, un an après la signature du traité de paix de Bucarest. Il nous laisse un héritage précieux. Tous les Bulgares lui rendent hommage, profondément conscients de tout ce qu’il a fait au nom de l’avenir de la Bulgarie. ”
Version française: Roumiana Markova
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