«C’est quoi pour toi les échecs ? La paix ou la guerre ? », demande le docteur Emile Markov. « La guerre » dis-je sans hésiter « . « Et si c’était un signe de paix ? me surprend le docteur Markov. Il est psychiatre, consultant à l’heure actuelle au Centre de santé psychique «Amour de l’homme » à Pazardjik – le seul établissement médical où on utilise les échecs en tant que thérapie supplémentaire. Avant le centre de santé psychique, le docteur a travaillé pour l’école d’entraîneurs d’échecs de l’Académie nationale des sports à Sofia. Ecoutons ses explications sur le rôle des échecs dans la psychothérapie:

« On peut tout utiliser pour la thérapie. Il y a dans la pharmacologie un principe selon lequel il n’y a pas de médicaments, il n’y a que des doses. Car chaque médicament à des doses extrêmes peut être un poison. »

Le docteur affirme avec certitude que les échecs peuvent servir de thérapie mais aussi pour établir des diagnostics:

„Voilà, l’échiquier est devant vous et nous commençons à parler: quelle est votre réaction, pourquoi vous avez réagi de la sorte? Il n’est pas obligatoire de jouer aux échecs, au cours de la conversation sur les échecs beaucoup de choses deviennent claires. Le cerveau est une machine pour survivre, Nous collectons en permanence des infos, nous les traitons et nous prenons des décisions, nous agissons. La machine tourne sans arrêt. Quand nous mettons l’échiquier devant quelqu’un, c’est quelque chose de standardisé. Chacun réagit à sa manière. Le psychothérapeute juge les réactions et prend les mesures qui s’imposent. Ainsi par exemple si quelqu’un dit « Cela n’est pas pour moi, c’est trop compliqué », c’est le signe révélateur du complexe d’infériorité. »

Grace aux échecs on est capable de modeler sa manière de penser, exercer une influence positive sur toutes sortes de maladies – les dépressions, la maladie d’Alzheimer, des dépendances au stupéfiants, etc. Lors du jeu d’échecs on observe un processus d’auto connaissance et de connaissance de l’environnement. Selon la théorie de Gregory Bateson, un jeu dont les règles sont contradictoires a pour résultat une confusion de l’esprit, explique le docteur Markov en ajoutant que selon la psychiatrie sociale:

„Ce n’est pas le cerveau qui a une biochimie confuse, ce sont les conditions sociales qui présentent des règles contradictoires – dans la famille, dans la société. Et on essaie de remettre de l’ordre dans les réactions et dans les stratégies conformément à ces règles confuses pour finalement se retrouver dans une impasse. Dans un jeu aux règles contradictoires, que vous acceptiez de jouer ou pas ne vous met pas à l’abri des fautes et vous risquez d’essuyer des critiques. Cela provoque le sentiment d’inconfort, un malaise même, qui peut vous conduire sur le divan d’un psy. “

En tant que psychiatre, le docteur Emile Markov est arrivé au fil du temps à certaines conclusions :

„Les gens n’ont pas réellement besoin de thérapie, ils ont plutôt besoin de formation. Imaginez la vie comme une partie d’échecs. Vous vous lancez dans la vie, on vous montre plus ou moins bien comment manier les figurines et on vous laisse faire. Suivent échec après échec, que vous devez encaisser. Vous vous sentez écrasé, désespéré, vous perdez tout désir de jouer ce jeu. Mais au lieu de parler avec vous, de vous encourager et de vous montrer comment gagner, on vous fait consulter un psychiatre. Et le verdict est clair : « Vous souffrez d’une dépression ! ». On vous prescrit des médicaments et vous vous vous retrouver dans la catégorie de ceux dont la vie se résume en une phrase : « Tu es malade, prends tes cachets et attends de guérir… »

Version française: Vladimir Sabev