Nous sommes en 1259. Un artiste anonyme, guidé par son don divin peint sur les murs de l’église de Boyana les effigies des saints auréolés de lumière, déchirant à coups de pinceau l’obscurité médiévale, augurant ainsi son déclin. Et si la Bulgarie n’avait pas dû se replier devant les assauts des Ottomans, aujourd’hui, elle pourrait s’enorgueillir d’avoir été à l’origine de la Renaissance européenne, dès le 13e siècle.
Le peintre d’icônes Damascène d’Eléna – La Vierge à l’Enfant
Le peintre d’icônes Alexandre de Yambol – Saint Spiridon à l’hagiographie
Dans la Renaissance bulgare confluent deux tendances historiques : l’essor spirituel à l’exemple de la Renaissance européenne et le développement économique et social de la nation bulgare qui se dresse face à l’Empire ottoman. La Renaissance bulgare, narrée à travers les sujets religieux et les toiles des peintres mondains illumine les salles de la Galerie Nationale des Beaux-Arts de Sofia et bien qu’avec un retard de quelques siècles à cause de la domination ottomane, ses oeuvres magnifient l’esprit bulgare, sa volonté de liberté et ses combats pour l’indépendance ardemment désirée, qui émaillent le 18e et 19e s.
Stanislav Dospevski – Tête de Jésus
Zacharie Zographe – Portrait de jeune fille
« Ce retard n’est rien au regard des merveilles créées par la Renaissance bulgare, que nous ressentons et comprenons si bien parce que si proche de nous – dit le curateur de l’exposition Dorothea Sokolova.
Christo Stantchev – Portrait de dame
Christo Tzokev – Dormition de la Sainte Vierge
Cette époque est tellement belle et empreinte d’esthétisme – depuis les ruelles sinueuses et pavées de pierres blanches, les superbes maisons et leur riche décoration, les modes vestimentaires, les gens et jusqu’aux églises et aux arts. Faire éclater cette énergie téméraire après toutes ces épreuves, réussir à se redresser, à s’élever, pour atteindre des sommets dans différents domaines est chose digne d’admiration, un véritable exploit. Il est de notre devoir d’aimer et de faire preuve d’un profond respect pour cette époque – avec sa charmante naïveté qui lui confère une couleur et un goût particulier. »
Au milieu du 18e s. les ateliers du Mont Athos accueillent des futurs peintres d’icônes qui, revenus au pays, lèguent leur art à leurs descendants, mieux encore, c’est pour eux c’est un devoir de famille, nous dotant ainsi de familles entières d’iconographes de Triavna, Bansko, Samokov. Ils travaillent aux côtés de leurs enfants et leurs élèves, décorant ensemble églises et monastères. La construction de nouvelles églises et la restauration des anciens temples aide aussi à l’accroissement de la guilde des peintres d’icônes et à la prospérité de ces artistes. Certains s’illustreront en insurpassables maîtres du pinceau en créant de vrais chefs d’œuvre.
Yoannikyi Papa Vitanov – Les Saints archanges
Papa Vitan de Triavna – la Vierge à l’Enfant
De l’école de Triavna sortiront les premiers peintres de portraits et de sujets laïques et mondains, formés dans les écoles des beaux-arts d’Europe grâce au mécénat de Bulgares aisés, dont Ivan Dimitrov, boursier aux Beaux-Arts de Paris.
« Les premiers à partir pour l’étranger sont Stanislav Dospevski qui choisit Saint Petersbourg, et Nikolay Pavlovitch, qui, lui, préfère Vienne et Munich, pour rentrer au pays au milieu du 19e s. – poursuit Dorothéa Sokolova. – Ils commencent par peindre des portraits de personnalités illustres de l’époque pour représenter plus tard leurs proches et leurs parents. Dimitar Dobrovitch étudie à Rome où il adopte sans réserve le style et le savoir-faire d’Europe occidentale. Christo Tzokev part étudier à Moscou auprès des peintres russes itinérants (des artistes du courant réaliste russe qui organisent des expositions itinérantes). J’ai exposé aussi Constantin Velitchkov – une personnalité remarquable qui a un immense mérite pour la création de l’Académie bulgare des Beaux-Arts. Il étudie la peinture à Florence et arrive même à vivre de ses toiles pendant un certain temps. Nous lui devons également le premier ouvrage sur l’histoire de l’art publié en Bulgarie, ses “Lettres de Rome”. »
Les artistes peintres bulgares nous lèguent une riche galerie de portraits de personnalités en vue, dont le portrait de notre héros national Vassil Levski. En plus des sujets historiques, ils peignent des icônes, alliant tradition et principes de la peinture européenne.
Version française Roumiana Markova
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