Ensemble sur la scène, ensemble dans la vie. Lui – jeune acteur qui incarne les rôles les plus absurdes et comiques, et lui – une marionnette qui vit à cheval entre le communisme et la démocratie, qui avance d’un pied avec confience dans le monde peu délicat actuel, et qui s’obstine, de l’autre, à jeter ne serait-ce qu’un demi regard vers l’avenir …

Dimitar Ivanov parle avec son ventre en serrant les lèvres et en gardant un visage de pierre. Dans le même temps son compagnon Tunio, s’amuse à refaire le monde – il donne des conseils de morale, il rouspète, il établit des diagnostics. Le ventriloque et sa marionnette sont les stars d’un standup, unique en son genre pour le moment en Bulgarie dans leur composition actuelle – tout simplement parce que personne d’autre n’a appris à prononcer les paroles sans ouvrir la bouche. Tous les deux sont tellement liés l’un à l’autre que même en perpétuelle rivalité, ils ne peuvent se passer l’un de l’autre.

Je n’éprouve à son égard que de bons sentiments, je n’ai pas le choix car c’est un bon gars – parle de son compagnon Dimitar Ivanov, alias le Capitaine. Tous ceux qui vivent en Bulgarie ont des amis semblables dans le HLM, dans la rue voisine ou dans la ville car Tunio est un personnage complexe crée sur la base d’un échantillon de la population assez représentatif. Il est quelqu’un qui ne cesse de parler et d’expliquer qu’à l’époque tout allait mieux, qui rejette toutes les nouveautés et la modernité, qui еst très instyruit et qui sait tout. Il s’agit en fait d’un Bulgare quinquagénaire ou sexagénaire, ex-activiste du Parti communiste à l’époque du communisme et du socialisme.

Tout ce que je peux dire à propos de Mitko c’est que c’est un grand échec – imaginez un type qui à 34 ans et s’amuse avec des marionnettes !? – souligne pour sa part Tunio qui en réalité porte le nom respectable de Stanislav, maçon chevronné et pratiquant ce métier qu’on appelle couramment le « petit papa de Dimitrovgrad ».

Dimitar Ivanov et Tunio font connaissance par hasard après la décision de l’acteur et de deux de ses amis de faire des spectacles de marionnettes. Vu qu’ils ont besoin de personnages, ils commencent à les inventer. C’est ainsi que Tunio vient au monde pour la première fois dans leur esprit pour prendre forme dans la vraie vie grâce à Eli Tsonkova qui en fait une marionnette. Entretemps Mitko participe à une téléréalité pour des acteurs et il fait part de son rêve d’être un jour ventriloque. C’est ainsi qu’il se dote d’un sponsor ce qui lui permet de suivre des cours en ligne et de parler sans bouger le moindre muscle de son  visage.

Pour devenir un bon ventriloque, il faut d’abord être un très bon acteur de marionnettes – tous les spécialistes du monde partagent cet avis – explique le Capitaine. -  Il y a beaucoup de gens qui deviennent ventriloques, mais à un moment donné il se trouve que la marionnette n’est plus vivante. Alors parler sans même bouger les yeux n’a aucun effet. C’est pour cela que les capacités et compétences de manier la marionnette sont aussi importantes et le ventriloquisme ne vient qu’après, comme la cerise sur le gâteau. Il est aussi très important de trouver le bon compagnon avec lequel jouer le spectacle. Le personnage de la marionnette doit être bien élaboré, on doit connaître son caractère, elle doit toujours être votre contre-poids.

Tel Tunio qui ne cesse de rouspéter même quand il est en vacances à la mer en Grèce, « comme si notre Mer Noire n’était pas assez bétonnée ». Notre mer, il l’a vue très récemment car notre tournée nationale a débuté à Bourgas. Au début de la nouvelle année, il partira en tournée européenne pour rencontrer les communautés bulgares à l’étranger – là où comme toujours parallèlement à la nostalgie et les histoires du passé il osera des paroles difficiles à accepter.

Je ne me cache pas derrière Tunio, je suis à côté de lui quand il formule ces vérités difficiles à avaler – déclare son meilleur ami – Tout comme les fous du roi à l’époque qui avaient l’autorisation de dire directement dans les yeux des souverains la vérité, Tunio commente en toute liberté des sujets de tout genre. Et comme je n’ouvre pas la bouche, c’est donc lui qui parle de cette manière et c’est lui qui porte la responsabilité de ses propos. Il semble qu’on lui pardonne ces libertés à la manière des bouffons car jusque-là personne ne s’est plaint d’avoir été offusqué – or il aime défier et provoquer le public et parfois de manière assez rude, sans aucun ménagement. Mais les gens savent que c’est tout simplement une comédie et repartent à la fin du spectacle plutôt contents.

Version française: Vladimir Sabev