En ce 21 janvier /8 janvier selon le nouveau calendrier/, les Bulgares rendent hommage à celles qui dans le passé étaient connues comme des accoucheuses et qui ne sont autres que les sages-femmes de notre époque, toutes ces femmes qui assistent la venue au monde de nos enfants… Dans un langage plus savant et plus sobre, le 21 janvier est la Journée de l’obstétrique, de la fertilité des couples, des enfants et de la vie…

D’après les croyances populaires, la journée des sages-femmes est la dernière des fêtes consacrées à l’eau et aux bains rituels, après la Théophanie /6 janvier/ et la Saint-Jean-Baptiste/7 janvier/. Mais ce qui la distingue des deux premières, ce sont ses origines païennes. Et il serait intéressant de savoir que lorsque la Bulgarie adopte le christianisme et le calendrier grégorien, les fêtes votives sont reculées de 13 jours, y compris pour la journée des sages-femmes. Ce qui n’empêche pas les différents villages à la campagne de la célébrer comme par le passé, c’est-à-dire selon l’ancien calendrier…Telles les femmes du village Lozen, au pied de la montagne Vitocha, à une vingtaine de kilomètres de Sofia, qui respectent scrupuleusement les us et coutumes qui leur ont été transmis par les anciens.

Quant aux rituels, ils sont interprétés à l’espace culturel du village, en présence de jeunes mamans, d’enfants et de femmes âgées. Snejka Borissova, chanteuse folklorique de la région y prend part et nous en dit plus :

C’est une très jolie fête, un émouvant témoignage de respect à l’égard des sages-femmes et de leurs mains adroites pendant l’accouchement. C’est une fête que nous célébrons à Lozen depuis toujours. Et les accoucheuses sont un intermédiaire entre le monde des humains et l’au-delà, l’univers dont proviennent les nouveau-nés. L’acte même de la naissance est considéré comme un moment dangereux et critique, aussi bien pour la future maman qui comme le dit le proverbe « a un pied dans la tombe » que pour le nouveau-né. D’où la responsabilité et le rôle majeur joué par la mamie-accoucheuse qui devait répondre à toute une série de critères - une femme d’expérience et âgée, qui a déjà mis au monde ses enfants et qui a tourné le dos aux plaisirs du sexe. Une femme pure qui est en relation avec la Vierge Marie, protectrice de la maternité et des enfants. D’où la formule rituelle prononcée à chaque accouchement : « C’est la Vierge qui guide mes mains, je ne fais que lui obéir… ». A l’époque, il y avait une maternité à Lozen, aujourd’hui nous invitons les pédiatres pour un festin, chaque maman ayant confectionné un feuilleté au fromage ou un gâteau. Et nous chantons et dansons toutes, jeunes ou moins jeunes. C’est un grand moment d’émotion et de gaité. Et si un homme décide de se joindre à la fête, il est le bienvenu, même si c’est une fête purement féminine…

Snejka Borissova se souvient de la célébration de la journée des sages-femmes par l’ensemble folklorique « Philippe Koutev » dont elle a fait partie pendant des années :

Lorsque je chantais à l’ensemble « Philippe Koutev », nous avions conçu en musique une reconstitution de la fête des sages-femmes, telle qu’elle était pratiquée dans la région folklorique de la Thrace.  Et justement à un moment, un personnage masculin essayait de briser l’intimité des femmes, qui le chassaient en tirant sur ses vêtements au point de le laisser s’enfuir presque nu, en caleçon…A Lozen, nous n’avons pas cette pratique, on ne moque pas les hommes. Sinon, j’ai eu la chance de travailler à l’ensemble de Philippe Koutev et de côtoyer quelques grandes icônes de la chanson folklorique bulgare. Moi personnellement, j’ai pris la place de Verka Sidérova, quand elle a pris sa retraite et je sais qu’elle appréciait particulièrement cette fête et tous les rituels qui l’accompagnaient et qui sont encore très respectés. Car toutes ces femmes, elles sont animées par l’amour de leur pays et de ses traditions, qu’elles tiennent à perpétuer… Moi personnellement, je suis heureuse d’être née à Lozen, car j’ai grandi avec ces belles traditions qui me portent toujours et encore…

Photos: archives personnelles