Une intervention de la présidente du parlement bulgare a créé une forte polémique au sein de la société bulgare et est sur le point d’avoir de très négatifs impacts sur le prestige des autorités au pouvoir. « Ils y vont, ils protestent contre le mauvais Borissov et prennent ensuite le métro pour rentrer chez eux. Rentrez à pied ! » - a appelé Tsveta Karayantchéva en s’attaquant ainsi aux protestations antigouvernementales et en souhaitant ainsi mettre l’accent sur ce qui avait été réalisé à ce jour par le parti au pouvoir GERB. Le résultat est déjà bien visible – les réseaux sociaux abondent des messages du genre « je marche à pied », les politologues de leurs côtés parlant de conflit socioculturel qui aura de très sérieux effets sur le soutien auquel s’attend GERB en cas d’éventuelles législatives anticipées. 

« GERB s’accroche obstinément au pouvoir mais enregistre ainsi une constante tendance descendante dans son soutien électoral – déclare le politologue Ivo Indjov dans un entretien accordé au programme « Horizon » de la RNB et d’ajouter : - Il se peut qu’il y ait des dépendances qui empêcheraient Borissov de donner sa démission. Les hypothèses se rapportent à l’absorption des fonds européens, par exemple, à des irrégularités dans la méthode de gouvernance, voire aux spéculations selon lesquelles le MDL ne permettrait pas à ce que le gouvernement de GERB démissionne. GERB gouverne avec obstination et avec beaucoup d’acharnement non seulement à l’égard des contestataires mais aussi envers une grande partie de la société qui soutient les protestations. D’autre part, le langage arrogant de la présidente du parlement Tsveta Karayantchéva a encore plus renforcé le mécontentement des gens à l’égard de sa propre conduite mais ce mécontentement se répercute aussi sur la manière dont fonctionne GERB. »

Selon le politologue Indjov, le langage politique en la personne de cadres dirigeants de GERB « leur revient comme boomerang, ce qui indigne encore plus les gens car, en dehors de la protestation contre la corruption, le conflit commence à devenir socioculturel. »

Ce qui se passe en Bulgarie est entré dans l’ordre du jour du Parlement européen. Les contestataires deviennent cependant de moins en moins nombreux et il est de plus en plus probable de voir le gouvernement de Borissov aller jusqu’à la fin de son mandat.

Il n’est d’ailleurs pas nécessaire qu’il y ait chaque jours dans la rue 10 à 20 mille personnes car la mobilisation a déjà modifié non seulement l’ordre du jour de la Bulgarie mais a aussi fait entrer la Bulgarie dans le focus des médias mondiaux et des institutions européennes. Si GERB réussit à rester au pouvoir jusqu’aux législatives régulières de mars, il est sûr qu’il en sortira avec un score beaucoup moins important que si le gouvernement donnait sa démission aujourd’hui », souligne Ivo Indjov.

Il reste cependant à voir si des changements interviendront dans l’espace politique bulgare… Pendant le week-end dernier l’ex-numéro 2 de GERB, Tsvetan Tsvetanov a constitué et s’est mis à la tête de son nouveau projet politique « Républicains en Bulgarie ».

Pavel Valnev, homme d’affaires bulgare résidant à Chicago a été élu vice de Tsvetanov, ce qui devrait laisser entendre que l’une des priorités du nouveau parti serait la protection des Bulgares résidant à l’étranger et la garantie de leurs droits de participer à des élections via un vote électronique. Tsvetanov a aussi tendu la main à des contestataires bulgares dans le pays et à l’étranger en déclarant que « le projet avait fort besoin de gens intelligents et débrouillards ».

Les « Républicains pour la Bulgarie » ne pourront certainement pas franchir le seuil requis pour entrer au parlement mais détacheront des pourcents du score de GERB, prévoit le politologue. 

Ivo Indjov a également évoqué la possibilité de voir le parti de Tsvetanov entrer en coalition avec des formations de la droite politique.

Pour ce qui est du plus vieux parti politique en Bulgarie - celui des socialistes, il existe à son égard également de nombreuses interrogations. Après être élue au poste de présidente du PS, Kornélia Ninova a formé pendant le week-end un nouveau Conseil national. N’y sont pourtant pas entrées des figures clés du parti comme le président du PSE Serguey Stanichev, Valéri Jablyanov, Guéorgui Pirinski, entre autres. Ainsi, il est certain qu’il y aura dans les rangs des socialistes une opposition de conjoncture. Il n’est toutefois pas encore clair si une aile se formera au sein du PS qui prenne en compte les valeurs du 21^e siècle comme problèmes écologiques et droits des minorités, par exemple, afin que celui-ci ne reste pas fixé uniquement sur le sujet social. 

Selon l’analyste, il existerait des chances de voir le PS de Ninova l’emporter sur GERB, ne serait-ce qu’avec un tout petit pourcentage.

« Nous devons prendre en compte à l’échelle nationale les effets de l’agonie politique car plus les législatives prennent du retard, plus les positions de GERB s’affaiblissent. D’ici le mois de mars prochain, l’indignation de la majorité silencieuse qui soutient les protestations va encore plus croître. D’autre part si l’activité électorale est importante et elle le sera très certainement, elle ne profitera pas à GERB »,  conclut Ivo Indjov.

Eléna Karkalanova