A la veille de 2021, l’Association des malvoyants en Israël a décerné son grand prix à Albert le Bulgare. C’est ainsi que les Juifs d’origine bulgare appellent l’accordéoniste qui des années durant a enseigné gratuitement aux enfants malvoyants de talent comment jouer de l’accordéon. Il comptait pour cela avant tout sur l’ouïe au lieu des notes.

Les gens voyaient souvent Albert jouer de l’accordéon et des foules se rassembler autour de lui chantant ses airs et dansant. Quand il a été proclamé « Citoyen d’honneur de Tel Aviv”, la plupart des gens ne se rendaient pas compte de ses mérites. Même ceux qui le connaissaient n’ont commencé qu’après sa mort à découvrir ses qualités insoupçonnées.

"AlbertpossédaitunatelierdetapisseriedanslecentredeTelAvivetilyvenaittôtlematinpouraiderlesdémunis – raconteAviSolomon, un de ses amis. Il leur donnait une grande bouteille de thé et des sandwichs. Il aimait aider les gens, il aidait tout le monde."

On l’appelait aussi le Béton car sa parole était aussi ferme et solide. Pendant la Loi sur la défense de la nation (en vigueur du 23 janvier 1941 au 27 novembre 1944) la famille d’Albert avait été obligée de quitter Sofia. C’est ainsi qu’il n’arrive pas à terminer l’école française où il avait obtenu des notes excellentes. C’est à cette époque qu’Albert apprend les premières leçons de solidarité et de compassion avec les gens en difficultés. Il obtient le soutien de personnalités influentes et ensuite il exprime sa gratitude pour le bien qu’elles ont fait.

Lorsqu’il revient à Sofia, Albert découvre la musique sur recommandation de l’organisation du Front de la patrie qui décide que le nouvel Etat a besoin d’artistes. Mais le piano de sa mère était resté dans l’appartement familial où vivaient déjà d’autres gens. Ils n’avaient pas assez d’argent pour acheter un nouveau piano et c’est comme ça qu’il a été contraint d’apprendre l’accordéon. Il en achète un fabriqué en 1901 dont il est reste fier jusqu’à la fin de sa vie.

La famille d’Albert part pour la Terre promise avec la première vague de migrants. Dès leur arrivée à Jaffa, les enfants doivent aller à l’école:

"Nous étions à l’école à Jaffa et tous les enfants on nous a rassemblés dans une même classe – se souvient Medi Benato, secrétaire du club des écrivains de langue bulgare “Rayon lumineux” en Israël. Quand nous avons terminé nos études, nous tous de la Bulgarie nous nous sommes rassemblés et nous avons fait la fête. Tous les garçons avaient dans les bras des filles tandis que Berto avait dans ses mains l’accordéon. Où qu’il allait il apportait la joie et le bonheur, on chantait des chansons bulgares. Il aimait la musique, il était content de nous voir tous heureux."

Chaque année au bord de la mer Morte il rencontrait des migrants d’Espagne, des Balkans, de l’Afrique du Nord… Il y avait toujours une « soirée bulgare » qui se transformait vite en « nuit bulgare” jusqu’à l’aube. Albert le Bulgare y jouait et il donnait un véritable spectacle incroyable avec des contes et des anecdotes bulgares entre les morceaux de musique.

Les voyages en Bulgarie pour le Jour de l’An en neigé étaient parmi les moments favoris d’Albert le Bulgare. En dépit de la quarantaine, il s’apprêtait à partir avec un groupe d’enthousiastes vers la Patrie qu’il aimait de tout son cœur.

"Je suis déjà plus de 70 ans à l’étranger – nous dit Albert dans un enregistrement effectué lors d’une de ses visites en Bulgarie. Je suis un Bulgare de ce quartier. C’est ma petite fille. Elle est Bulgare 3^e génération. Elle parle le bulgare. Il y a dans sa chambre des affiches d’artistes et chanteurs occidentaux. Mais il y a aussi Christo Botev et Vassil Levski!"

Photos : archives personnelles