Ces deux femmes se retrouvent impliquées dans la Réunification pour des raisons différentes et à des moments différents, mais elles se connaissent très bien, parce que Ekatérina Karavélova, qui est de Roussé, a enseigné à Nédyalka Chiléva au Lycée pour jeunes filles de Plovdiv, raconte Roumyana Donéva, conservatrice au Musée régional d’Histoire de Plovdiv. Alors que Nédyalka est liée à la préparation, la déclaration et l’exécution de la Réunification, Ekatérina a un rôle à jouer par la suite, lors de la défense de cette Réunification pendant la Guerre Serbo-bulgare à l’automne de 1885.
Ekatérina Karavélova
A cette époque Ekatérina Karavélova, âgée de 25 ans, est l’épouse et la secrétaire du premier ministre bulgare Petko Karavélov qui dirige le gouvernement de la Principauté de Bulgarie pendant le grand œuvre politique qu’est la Réunification de deux territoires bulgares majeurs d’une superficie totale de 96 345 km² et une population de 3 150 000 habitants. « La dirigeante dans l’ombre », comme on appelle Ekatérina, s’occupe des affaires de son époux, organise des réunions ministérielles, s’entretient avec des consuls et autres représentants d’États étrangers, parcourt Sofia et ne cache pas sa foi ardente que la justice triomphera et que les choses s’arrangeront pour les Bulgares.
Nédyalka Chiléva
Nédyalka Chiléva est la fiancée du résistant de la Guerre russo-turque de libération (1877-1878) Prodan Tichkov. A 18 ans elle coud et appose les inscriptions de l’étendard du plus grand groupe de combattants de la Réunification, celui de Golyamo Konaré, mené par son oncle Pétar Chilev. La jeune femme est le porte-étendard de ce groupe de combattants et plus tard elle escorte sabre au clair dans les rues de Plovdiv le gouverneur général de la Roumélie orientale Gavril Krastévitch dans le fiacre qui le conduit au village de Golyamo Konaré, aujourd’hui la ville Saédinénie (Réunification).
L’étendard
L’étendard est confectionné à partir de 3 mètres de soie verte, explique Roumyana Donéva. Au début les chefs du comité révolutionnaire de Golyamo Konaré le donnent au grand artiste peintre et révolutionnaire bulgare Gueorgui Dantchov qui, dans son atelier à Plovdiv, dessine un lion debout avec une couronne sur la tête piétinant les symboles de l’Empire ottoman, le croissant de lune et l’étoile. Mais ce lion leur semblait insuffisant et lorsqu’ils donnent le tissu à Nédyalka Chiléva pour en faire un étendard, ils lui demandent d’y inscrire des paroles patriotiques. Elle y inscrit l’année 1885 et les mots « Réunification de la Bulgarie » et « La liberté ou la mort ». L’étendard original est aujourd’hui conservé au Musée régional d’Histoire de Plovdiv.
La lithographie de Nikolay Pavlovitch
En 1886 l’artiste peintre bulgare Nikolay Pavlovitch crée la lithographie « Réunification de la Bulgarie du Nord et du Sud en 1885 ». Une place centrale y est consacrée à deux silhouettes féminines avec des couronnes de lauriers couvertes d’un manteau royal. Et bien que certains considèrent qu’il s’agit de Nédyalka Chiléva et Ekatérina Karavélova, il existe des documents qui infirment cette théorie.
On a conservé le brouillon de la description faite par Nikolay Pavlovitch où il précise ce qu’il visait à accomplir avec cette lithographie, dit Roumyana Donéva qui en cite un extrait : « J’ai représenté tout ce qui est bulgare au moyen de trois silhouettes féminines, trois sœurs : la Bulgarie, la Thrace et la Macédoine. La Bulgarie et la Thrace piétinent triomphalement l’étendard ennemi serbe déchiqueté. La Macédoine est représentée désarmée, assise sur des pierres, la tête tristement baissée, enchaînée aux rochers. L’étendard turc la surplombe comme signe que son esclavage à elle continue ». Et comme la Bulgarie, la Thrace et la Macédoine sont des noms féminins, il est normal de les représenter comme des femmes et il n’y a aucune relation, même pas une ressemblance visuelle, avec Nédyalka Chiléva et Ekatérina Karavélova, explique Roumyana Donéva.
Version française : Christo Popov
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