20 posters d’auteur et 10 films expérimentaux de 14 artistes graphiques unis dans un projet culturel ramènent l’attention du public sur les problèmes, le quotidien et l’existence de "Ceux qui fuient" (The Running Ones) ici et maintenant. Cette provocation artistique de nos valeurs morales et nos perceptions émotionnelles est l’œuvre de la plateforme d’art en posters Plakatkombinat.com et représente une symbiose entre art et récits personnels de gens qui fuient la terreur, la guerre ou les répressions politiques.
"La plupart des auteurs ont interprété ce sujet précisément en relation avec la crise des réfugiés, mais il y a aussi des posters qui examinent ce thème de façon plus large, plus philosophique. Le projet est formé avec l’idée de nouveaux médias : art vidéo ou formes hybrides d’animation", indique à la RNB l’historienne d’art Anna Siméonova, productrice et conservatrice du projet.
L’art est réactionnaire. Je dirais qu’il est une réaction à ce qui arrive et dont nous savons tous que cela arrive. Cette réalité est la guerre en Ukraine. Nous avons commencé à travailler sur ce projet il y a un peu plus d’un an. Avec les artistes de PlakatKombinat nous avons décidé qu’il était temps de faire de l’art engagé. Cela fait dix ans que nous travaillons en groupe : artistes graphiques et auteurs de posters, unis dans cette plateforme. La vague de réfugiés d’Ukraine que nous avons vue en Bulgarie nous a fait réfléchir.
Il y a en Bulgarie un très problème avec les fake news et la façon dont nous percevons et nous parlons du régime de Vladimir Poutine, estime Anna Siméonova. Un élément important du projet est donc l’initiative "Arrête/Récompense" du journaliste Daniel Nentchev avec en son centre le journaliste bulgare Hristo Grozev, le véritable "Homme en fuite" selon Nentchev. Rappelons que quelques mois après que le film "Navalny" (sur le militant d’opposition russe Alexey Navalny), auquel Grozev a pris part, a remporté l’Oscar du meilleur documentaire, un tribunal de Moscou a jugé par contumace le journaliste du site Bellingcat pour avoir organisé un passage illégal de la frontière et le départ de Russie du rédacteur de The Insider Roman Dobrohotov, catégorisé comme « agent étranger » par les autorités russes.
Cette histoire est non seulement un scandale et un problème mondial, elle est aussi à la base des dissensions dans la société bulgare sur l’État et le monde dans lesquels nous voulons vivre. C’est la grande question que notre société doit éclaircir. L’initiative sur Hristo Grozev est une autre occasion d’en parler, dit Daniel Nentchev. Cette initiative consistait à coller des posters de Hristo Grozev un peu partout dans Sofia, y compris sur le monument de l’Armée soviétique.
L’image du poster est comme un écran de smartphone et on peut "arrêter" Hristo Grozev avec le bouton rouge ou le "récompenser" avec le bouton vert. Des petites feuilles avec deux inscriptions différentes ; "Arrête" et "Récompense" sont accrochées en bas de chaque poster et les spectateurs peuvent choisir d’en arracher l’une ou l’autre. D’après ce que j’ai pu voir le résultat était du 50 : 50 et les petites feuilles finissaient vite, raconte Daniel Nentchev.
La responsabilité personnelle et le compas moral dans les choix que nous faisons font aussi partie de la philosophie de l’artiste graphique Nikolay Natchev, un autre des auteurs du projet.
Mon film présente la roue de la paix et de la guerre qui tourne cycliquement au fil du temps. C’est de nous que dépend quelle direction elle va prendre, dit-il.
L’exposition de posters "Ceux qui fuient" peut être vue jusqu’au 26 décembre à la Maison du Cinéma à Sofia.
Crédits photos: plakatkombinat.com, Lora Tarkoléva
Édition : Vesséla Krastéva, sur des interviews d’Irina Nédéva de RNB-Radio Horizon
Version française : Christo Popov
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