Le poète et folkloriste Petko Slavéikov est le premier à décrire, en 1862, la danse sur la braise aux sons d’une cornemuse et d’une grosse caisse. Le danseur sur braises est considéré comme un sage, un savant. Selon les historiens, la danse sur la braise est un rituel païen, originaire des Thraces, même si elle est aujourd’hui liée à une grande fête chrétienne.

Cela fait des centaines d’années que les habitants des villages de Balgari, Kosti, Brodilovo ou Gramatikovo accomplissent ce rituel au mois de mai. Le point culminant est le 21 mai ; le jour où l’Eglise commémore l’empereur Constantin, dit le Grand, et sa mère Hélène. L’empereur Constantin autorise officiellement la religion chrétienne dans l’Empire romain, ce qui la met sur un pied d’égalité avec les autres religions de l’époque. Malgré cela, la danse sur la braise n’a jamais été officiellement adoptée par l’Eglise orthodoxe. Bien au contraire, les danseurs sur la braise, les « nestinari » étaient excommuniés jusqu’au début du XXe siècle.
Aujourd’hui, la danse sur la braise est une attraction touristique dans nombre de stations touristiques sur la mer Noire. La tradition veut que cette danse soit transmise d’une génération à une autre. Avant de quitter ce monde c’est le meneur des danseurs qui désigne son successeur, car il ne peut plus danser. Ce rituel s’accomplit en présence de tous les danseurs du village. S’il a un fils, le chef lui transmettra son pouvoir. S’il n’en a pas, il le transmettra à sa fille. On considère que c’est là la seule façon de préserver le don de la voyance.

Les icônes à l'effigie des saints Constantin et Hélène jouent un rôle spécial dans ce rituel. Elles sont préservées dans une église, où l’on garde tout au long de l’année la grosse caisse. Avant de commencer à danser, il est impératif de se rendre aux endroits saints du village et de visiter ses habitants. Tôt le matin du 21 mai, on va à la source d’eau, située à proximité d’une église ou d’un monastère. La source servira à purifier et bénir. La tenue d’un banquet est également impérative. Tout le monde doit recevoir de la nourriture. Les danseurs sur la braise entament alors leur performance sur la place centrale du village, où tout le village se réunit à la nuit tombée. Le feu, qui a été allumé dans la journée, est devenu un brasier. Il est disposé dans un grand cercle. Les gens se placent autour de lui en trois ou neuf rangées. Le cercle est associé au mouvement du soleil, alors que le feu représente le « feu du ciel ». Le point culminant des festivités est atteint lorsque les danseurs entrent en transe aux sons de la cornemuse, de la grosse caisse et du public. Ils marchent alors sur le feu avec une icône.
A la fin du rituel, les icônes et la grosse caisse sont escortés jusqu’à l’église, alors qu’un groupe de gens raccompagne le chef des danseurs jusqu’à chez lui. Dimitar Marinov, un ethnographe connu en Bulgarie, prend les réactions des gens qui ont assisté au rituel : « C’est un miracle que les prédictions se sont avérées être vraies. Les plantes des pieds des danseurs étaient intactes, sans la moindre brûlure. C’est Dieu ! »

Albéna Bézovska
Version française: Damian Vodénitcharov