En ce dimanche du Pardon, nous avons souhaité décoder les us et coutumes qui caractérisent cette phase de la vie des chrétiens orthodoxes, 40 jours avant Pâques /que les chrétiens orthodoxes célébreront cette année le 20 avril/. Selon la coutume, la famille se réunit au grand complet autour d’un festin composé principalement de fromage, d’œufs, de laitages, de beurre et de poisson. Et les plus jeunes demandent pardon à leurs parents ou proches plus âgés.

La vie de nos anciens se déroulait selon un rythme bien cadencé, qui faisait alterner les jours travaillés et les jours fériés, les jours de dur labeur et les jours de réjouissances, les jours de copieux festins et les jours de jeûne et d’abstinence. Ainsi la nourriture et l’alimentation n’étaient pas seulement une question de goût personnel et de préférences, mais une obligation et un rituel à respecter, qui s’inscrivaient dans la logique de l’existence d’un être humain, d’une famille, d’une communauté…

D’après les canons de l’église orthodoxe, le carême est la période de jeûne de 40 jours que le christianisme a institué en référence aux 40 jours de jeûne effectués par Jésus-Christ dans le désert.  L'église orthodoxe connaît deux carêmes : le carême de Noël, du 15 novembre au 24 décembre, et le Grand Carême du Lundi pur au vendredi précédant le samedi de Saint Lazare et le dimanche des Rameaux. Cette période institue la tradition de manger maigre, c'est-à-dire de s'abstenir de viande et de plats à base de graisse animale, de laitages et d’œufs. Le poisson est autorisé certains jours, ainsi que les animaux invertébrés, comme les escargots et les crustacés, notamment les moules ou le poulpe. Une façon de purifier son corps autant que son âme. Car le carême est avant toute chose un voyage spirituel dont la destination ultime est Pâques. Sur les 365 jours de l’année, les journées de jeûne et d’abstinence /car il ne s’agit pas seulement de se priver de nourriture, mais aussi de tous les autres plaisirs de la vie !/ peuvent atteindre en valeurs cumulées jusqu’à 200. Le jeûne dure la plupart du temps 24 heures, il tombe un mercredi ou un vendredi, comme par exemple la veille de la Présentation de Jésus au Temple, ou encore la décollation de Saint Jean-Baptiste ou la fête de la Croix glorieuse.

Alors que la doctrine chrétienne place l’accent sur la purification et de repentir, le folklore, au contraire soutient la thèse que le jeûne est thérapeutique et qu’il rend l’homme plus résistant et plus sain. Faire acte de carême ou d’abstinence est un facteur de réalisation des vœux les plus intimes. Une légende raconte l’histoire de cette femme qui chaque jour traversait un passage à niveau pour aller à son travail. Un jour, alors qu’elle revenait tu travail chargée d’un lourd filet à provisions dans une main, et de son enfant, suspendu à son autre main, le talon de sa chaussure se coinça entre les rails du train et alors qu’elle essayait de dégager son pied, elle entendit le bruit d’un train qui arrivait droit sur elle à grand vitesse. Horrifiée, la femme perdit ses moyens et ferma les yeux se voyant déjà fauchée par la locomotive avec son sac de courses et son enfant qui ne voulait pas la lâcher. C’est alors que deux jeunes gens firent leur apparition comme par miracle et poussèrent énergiquement la malheureuse loin des rails. Et lorsque la miraculée reprit ses esprits et leur demanda quel était le nom de ses sauveurs, la réponse fut Mercredi et Vendredi. Depuis lors, la femme observa le jeûne tous les mercredis et vendredis de la semaine et la morale de cette histoire c’est que pour compter sur la grâce de Dieu, il faut accepter quelques privations et observer le jeûne…

La période de jeûne, comme nous l’avons dit, a une durée différente. 15 jours avant l’Assomption ou la Dormition de la Vierge, le 15 août, les chrétiens orthodoxes font carême. Un carême également est pratiqué le premier dimanche suivant le lundi de Pentecôte, et sa durée est modulable, de quelques jours à plusieurs semaines. 40 jours avant Noël, les chrétiens orthodoxes font le carême de Noël qui prépare le joyeux événement de la nativité du Christ.

Le carême le plus strict et rigoureux est celui précédant Pâques. D’où son nom, le Grand Carême…Il commence 7 semaines avant Pâques et le dernier jour qui le précède est connu comme le Dimanche du Pardon où jeunes et vieux se demandent mutuellement pardon pour les éventuels griefs ou péchés qu’ils auraient commis les uns à l’égard des autres. Tout cela se passe autour d’une table richement garnie de mets les plus variés – des feuilletés au fromage, des œufs, du poisson, du nougat blanc. Et c’est ainsi que toute la famille se prépare pour les longues journées de jeûne et d’abstinence. On dit même que repas fini, les plats et les assiettes sont soigneusement lavées et frottés même à la cendre pour éviter toute trace de gras, et par conséquent, de tentation pour les 40 jours qui s’annoncent…

Quant au rituel du pardon, il est considéré comme un acte de purification et d’affranchissement. On fait en quelque sorte table rase de toutes les rancœurs et de tous les ressentiments, et les liens familiaux se resserrent. De grands feux fédérateurs sont allumés à la campagne, pour effacer toute trace du mal. Et c’est ainsi que le pardon, la joie et le soulagement qu’il procure, le feu et l’amour se donnent la main et entrent dans cette période de méditation et d’introspection qui dure 40 jours et qui prépare les chrétiens à célébrer leur plus grande fête, celle de la résurrection du Christ…