Poétiquement appelé « or rouge », le safran est présent dans de nombreuses cultures, continents et civilisations. Son histoire dans la culture et les coutumes humaines remonte à au moins 5 000 ans. C’est certainement l’épice la plus chère au monde, fortement prisée pour de nombreuses spécialités culinaires, mais qui est aussi appréciée pour ses vertus thérapeutiques.

Le safran est extrait de la fleur de crocus /Crocus sativus/, par déshydratation de ses trois stigmates rouges dont la longueur varie généralement entre 2,5 à 3,2 cm. Il fait ses premiers pas en Bulgarie grâce à un cultivateur de la montagne du Rhodope, Hassan Tahirov, qui quitte la Bulgarie dans les années 70 du siècle dernier pour s’établir en Suède. Il voyage à travers le monde et s’imprègne des traditions et des cultures des différents pays et peuples. Et même s’il se considère comme un citoyen du monde, la nostalgie du pays natal a raison de son esprit aventurier et il finit par revenir dans son pays natal, la région de Kardjali, en Bulgarie du Sud-est pour y cultiver …le safran !

Comment avez-vous décidé de vous lancer dans la production de safran en pleine montagne du Rhodope ?

„Depuis des années, j’entends parler presque chaque jour à la radio des alternatives différentes à la culture du tabac. Tout le monde en parle, mais le temps passe sans que personne n’y fasse quoi que ce soit. Et c’est ainsi qu’un jour je me suis dit pourquoi pas le safran, qui vaut deux fois plus cher que l’or? J’ai donc acheté sur mes propres économies 45 kilos de bulbes à une pépinière en Turquie, qu’on a plantés dans 5 fermes expérimentales à Vratsa, Roussé, Bial Izvor, Plovdiv et Kardjali. Peu après, nous avons créé l’Association des producteurs de safran, avec l’idée de créer nos premières plantations sur une surface de 100 hectares. Car je suis convaincu que le safran peut être cultivé en Bulgarie.”

Le ministère de l’Agriculture a été vivement intéressé de ce projet et a mis en place une commission d’experts en soutien à l’Association des producteurs de safran. Peut-on dire que les habitants des Rhodopes acceptent bien cette idée ?

„L’intérêt est immense, nous confie Hassan Tahirov. - Même des Bulgares qui ont quitté le pays et qui sont partis chercher du travail en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, voire même en Australie, réagissent sur Facebook avec enthousiasme et pensent que mon idée leur rappelle un conte des 1001 nuits…Ils ajoutent qu’ils seront heureux de se joindre à moi et qu’une pareille initiative les fera certainement revenir au pays. Le ministère de l’Agriculture a organisé un séminaire sur ce sujet pour arriver à la conclusion que le safran est l’alternative de la production de tabac ».

Rappelons que d’autres alternatives ont déjà été proposées, notamment la plantation d’arbres fruitiers ou d’oliviers, mais aucun projet n’a été en mesure de se substituer à la production du tabac en termes d’emploi et de revenus… Quel est le petit plus qui fait de la culture de safran un gage d’avenir et de succès ?

„Le retour sur investissement, qui est garanti quand il s’agit du safran. Vous investissez en septembre pour récolter en novembre et réaliser des bénéfices certains. Le cycle dure 7-8 ans, il suffit de bien prendre soin des plantations, c’est tout ! »

La première récolte de safran sera testée dans différents laboratoires qui devront se prononcer sur sa qualité…

„C’est la seule chose qu’on puisse cultiver dans notre région, est catégorique Hassan Tahirov. – Nous avons très peu de terre arable, la zone est montagneuse, difficile d’accès. Mais cela ne pose pas de problème au safran, bien au contraire. J’ai confiance dans ce nouvel avenir des Rhodopes, j’y mettrai tous les efforts nécessaires pour que mes concitoyens voient un jour que les miracles sont possibles, pour peu qu’on y croie. » 

Version française : Sonia Vasséva

Crédit photos : Hassan Tahirov