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L’extermination du peuple arménien : où en est-on un siècle plus tard ? *

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Photo: ЕPA/BGNES

« L’histoire c’est l’histoire, les victimes sont des victimes », telle est la définition que le Premier ministre Boyko Borissov a pu trouver, pour éviter d’employer le terme de « génocide », quelques minutes avant que le Parlement vote la reconnaissance du massacre des Arméniens dans l’Empire ottoman (1915-1922). Le terme employé dans la déclaration officielle est celui « d’extermination de masse ». Le 24 avril devient la date de commémoration des victimes. 

Que s’est-il passé le 24 avril 1915 ?

La tragédie commence à Constantinople, la veille de Pâques, lorsque le parti politique des Jeunes-Turcs met en marche son plan d’extermination des Arméniens vivant dans l’Empire. Pourquoi ? Parce que les Arméniens représentent l’obstacle essentiel à la création d’une grande nation turque homogène, qui unifie tous les peuples de langue turque du Caucase à l’Asie centrale et à la Chine. Du temps du Sultan Abdul Hamid II, les Arméniens avaient commencé à lever la voie pour plus de droits et d’autonomie, comme l’ont fait les autres peuples de l’Empire. Mais le Congrès de Berlin en 1913 les condamne à demeurer dans les frontières de l’Empire ottoman. Après le retrait de l’armée russe des territoires arméniens, imposé par l’Autriche, l’Allemagne et la Grande Bretagne ils se voient livrés aux politiques d’extermination. Les Jeunes-Turcs les accusent d’avoir soutenu l’ennemi russe et décident de procéder à leur élimination. D’abord, il commencent par les représentants de l’élite arménienne. En quelques mois, des milliers de médecins, activistes culturels, journalistes, leaders religieux et laïques sont cruellement assassinés. Environ 60 000 Arméniens mobilisés dans l’armée turque sont à leur tour désarmés et massacrés.

Dans un second temps, commencent des déportations massives dans les provinces, accompagnées d’une autre vague de massacres au sein de la population civile arménienne y compris des personnes âgées, des femmes et des enfants. Tout est bien planifié et organisé : les déportations, les commandos de destruction, les camps d’extermination. Talaat Pasha, un des meneurs des massacres, confie à l’Ambassadeur américain Henry Morgenthau que « les déportations ont été longtemps et soigneusement préparées ». Pour ne pas être directement identifié comme responsable, le pouvoir Jeunes-Turcs recrute dans les commandos de la mort des criminels condamnés pour meurtres, des Kurdes et des mercenaires. Le nettoyage ethnique résulte en 1 millions et demi de morts sur un total de 3 millions d’Arméniens, sujets de l’Empire ottoman.

Les survivants arrivent à fuir en Syrie ou alors sont évacués par des bateaux français et britanniques. Dans cette période, 30 000 réfugiés arméniens arrivent en Bulgarie. Malgré les notes de contestation du gouvernement turque, le roi Ferdinand édite un décret spécial pour l’établissement des réfugiés. L’Etat bulgare contribue à leur intégration en aidant dans la construction d’écoles et églises arméniennes, en leur offrant du travail. Les Bulgares comptaient sincèrement aux réfugiés, car leurs propres souvenirs de persécutions lors de la période ottomane est encore vif. 

Aujourd’hui, 61% des Bulgares déclarent qu’ils n’ont jamais entendu parler de l’extermination massive des Arméniens, même si les descendants des réfugiés reconnaissent la Bulgarie comme leur sauveur. En effet, une partie du monde continue à ne pas reconnaitre ce que beaucoup appellent le « génocide » du peuple arménien et se taisent face aux faits historiques, qui pourtant parlent d’eux-mêmes. Ne serait-ce que dans les archives du département d’Etat des Etats Unis, il existe 4000 documents de diplomates américains communiquant leurs observations directes lors des événements tragiques.  Le Président Roosevelt lui-même reconnait « le massacre arménien » comme le plus grand crime de guerre et appelle à une prise de position des Grandes puissances. En 1915, la France, la Grande Bretagne et la Russie font une déclaration commune qui dénonce la violence pratiqué par l’Etat ottoman contre le peuple arménien, en la qualifiant de « crime contre l’humanité et la civilisation ».

Un siècle plus tard, nous continuons de recourir à des euphémismes lorsque nous évoquons ces événements. Les dirigeants politiques américains et bulgares sont comme atteints d’amnésie à chaque fois qu’il est question de donner la juste définition de ce qui est arrivé aux Arméniens de Turquie.

Ankara a présenté des excuses aux victimes en espérant que cela réglera le problème et en attribuant la responsabilité des massacres aux circonstances lors de la Première guerre mondiale. Mais dans le même temps, nombreux sont les intellectuels et universitaires turcs qui n’ont pas peur de dire la vérité. L’écrivain Orhan Pamuk a déclaré publiquement qu’« un million et demi d’Arméniens ont été massacrés dans l’Empire ottoman ». Il y a sept ans, 200 intellectuels turcs ont signé une pétition dans laquelle ils se sont excusés pour « la grande catastrophe des Arméniens de l’Empire ottoman ». Cette pétition a été rapidement signée par 29 000 personnes. Aussi, malgré les protestations du pouvoir turque, de plus en plus de pays reconnaissent le massacre sous le terme de génocide.

Quant à la Bulgarie, on remettait toujours le débat à plus tard. Enfin, la 43e législature de l’Assemblée nationale, après quelques « légères corrections » s’est décidé de faire acte de reconnaissance sous le terme « d’extermination de masse » et non pas de génocide. Le texte a été voté par 157 députés, 37 ont été contre. Bien qu’hésitante, cette reconnaissance en est une. Espérons qu’un jour, sous le poids des faits historiques, nos politiciens parviendront à retrouver complètement leur mémoire historique.

Version française : Miladina Monova

*L'auteur exprime une position qui lui est propre et qui n'est pas nécessairement celle de RBI




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