Le projet de construction en Bulgarie d’une deuxième centrale électrique nucléaire date du temps du communisme et approche l’âge de 50 ans. Mais cette centrale n’est toujours pas construite. Le premier ministre Boyko Borissov a appelé le chantier « marais » mais ces derniers temps il s’agit plutôt d’un trou noir financier pour l’Etat qui a englouti quelque 2 milliards d’euros sans laisser de traces. Tout de même une certaine parti de cette somme a été investie dans la construction des infrastructures nécessaires à la centrale qui cependant ne servent actuellement à rien et sont totalement abandonnées. Plus de 600 millions d’euros ont été payés pour les deux réacteurs nucléaires commandés en Russie qui les a construits malgré le gel du projet de la part de l’Assemblée nationale bulgare et les a livré. Ces derniers jours nous avons appris qu’un tribunal arbitral a disposé que la Bulgarie doit payer avec les intérêts 32 millions d’euros supplémentaires au consultant du projet WorleyParsons Nuclear Services en raison de lacunes dans le contrat entre les deux partenaires, c’est-à-dire à cause du manque de professionnalisme des experts juridiques bulgares. Rappelons d’autre part que ce consultant avait déjà touché 265 millions d’euros sans pour autant que le projet ait avancé d’un pas.
Inachevé mais coûteux – on estime que la facture totale s’élèvera à quelque 10 milliards d’euros, ce projet continue à provoquer dans les milieux politiques et énergétiques des débats acharnés et de nombreux conflits. Il s’agit de savoir si un tel projet est vraiment nécessaire à la Bulgarie et quelle sera son efficacité et rentabilité économique. Le lobby nucléaire affirme que dans 10-15 ans, c’est-à-dire jusqu'à la fin des travaux de construction de la centrale, la Bulgarie devra faire face à une pénurie d’électricité et surtout d’électricité bon marché que pourrait offrir uniquement une centrale nucléaire. Les adversaires de ce projet considèrent qu’une nouvelle centrale nucléaire en Bulgarie ne sera jamais rentable dans le contexte des bas tarifs de l’électricité adaptés au faible pouvoir d’achat des Bulgares et les modestes possibilités du business local. Ils ajoutent également que la consommation électrique en Bulgarie ne cesse de diminuer et que les centrales thermiques classiques, la vieille centrale nucléaire de Kozlodouy et les énergies renouvelables seront largement capables de fournir à moyen terme l’électricité nécessaire. Ils ne craignent également pas les mesures restrictives européennes contre les centrales à charbon pour des raisons écologiques.
L’avenir de la deuxième centrale nucléaire bulgare reste incertain également en raison des conditions posées par les autorités aux investisseurs potentiels. Selon Sofia la nouvelle centrale nucléaire devra être majoritairement privée avec une faible participation de l’Etat, elle devra fonctionner sans aides et subventions de la part de l’Etat, ni des prix préférentiels fixes de l’électricité produite. Les experts rétorquent que nulle part ailleurs dans le monde il n’y a pas de centrale nucléaire construite et fonctionnant sans différentes formes de participation de l’Etat. Se rendant compte que pour le moment les investisseurs potentiels dans la nouvelle centrale ne sont pas très intéressés les autorités bulgares ont même tenté de revendre les réacteurs nucléaires déjà livrés. Aucun effet pour le moment. Un scénario prévoyant l’installation de ces réacteurs dans l’existante centrale nucléaire de Kozlodouy est également à l’étude.
Le projet-mirage ne provoque pour le moment que des débats contradictoires et démontre qu’il n’existe pas dans le pays de stratégie énergétique claire sur le long terme, qu’il manque parfois du professionnalisme, que les contradictions acharnées entre les différents lobbies persistent et que différents tribunaux ne cessent de sanctionner financièrement la Bulgarie à cause de sa politique à l’égard du projet. Il est évident qu’une solution doit être trouvée d’urgence. Et ce non pas au niveau des experts ou les ingénieurs et les constructeurs qui savent très bien quoi faire. La solution des problèmes doit être trouvée au niveau politique. Ceci est extrêmement nécessaire dans le contexte des énormes dépenses d’argent public qui sont déjà faites pour la réalisation de ce projet qui reste toujours flou. Il est évident qu’on doit mettre fin à cette incertitude et au gaspillage. On doit en finir avec les dépenses démesurées et défendre le plus tôt possible les intérêts de l’Etat et des citoyens bulgares.
Version française : Vladimir Sabev
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