Le 10 novembre 1989 a commencé comme une journée tout à fait ordinaire pour les citoyens de la République Populaire de Bulgarie, mais les événements qui ont suivi ont marqué le début d’une période de transition du socialisme vers la démocratie. Les contemporains racontent qu’au cours de cette période – en pleine « perestroïka », la presse russe avait la cote et était lue de tout le monde. Les Bulgares suivaient de près les changements démocratiques qui se produisaient en Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie et RDA et notamment le départ l’un après l’autre de leurs grands chefs politiques. La question qui se posait pour la Bulgarie n’était que de savoir quand et comment tout cela allait se produire ? Dès le matin, la radio et la télévision diffusaient des annonces sur le plénum du Parti communiste et la destitution qui a suivi du Secrétaire du parti Todor Jivkov, au pouvoir depuis des décennies. Le début des changements démocratiques qui est marqué par cette destitution est longuement attendu et souhaité par le peuple bulgare bien que pleine de nombreux points d’interrogation pour l’avenir du pays.
Aujourd’hui, 30 ans plus tard, nous autres Bulgares nous ne sommes guère sûrs d’avoir réellement abouti à cette démocratie tellement rêvée et attendue. Ce que nous appelons pour faire court « la transition » a depuis longtemps pris fin – a déclaré pour Radio Bulgarie le politologue Parvan Siméonov.
Nous sommes passés d’une économie planifiée à une économie de marché, de l’Est à l’Ouest et d’un système dépendant à une démocratie libérale. Toutes ces transformations sont déjà un fait. Nous sommes déjà en démocratie – bonne ou mauvaise, nous avons une économie de marché et sommes membres de l’OTAN et de l’UE. Les priorités de notre pays ont déjà été modifiées. D’autres questions attendent cependant des réponses rapides. Malheureusement, une grande partie des bulgares sont mécontents des résultats de la transition. Le mécontentement public demeure une dimension presque constante. Les politiques viennent et s’en vont mais disons qu'ils sont devenus un peu plus professionnels. Au début des changements, tout le monde était enthousiasmé et avait envie de faire de la politique. Aujourd’hui c’est un peu le contraire – c’est comme si les gens intelligents et corrects ont de moins en moins envie d'agir, ce qui fait que la classe politique reste toujours la même.
Les messages que les candidats aux postes au pouvoir adressent aux gens changent aussi avec le temps, estime de son côté l’analyste politique Dimitar Petrov.
Au cours des premières années ayant suivi le début des changements démocratiques les messages avaient étaient moins « professionnels et réfléchis ». Des mots étaient utilisés dont le sens n’était pas tout à fait clair. Qu’est-ce que la démocratie, le pluralisme, la privatisation, la restitution – la terminologie-même aurait dû être expliquée. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, nous avons plus d’expérience dans notre vision sur la politique, ainsi que sur la classe politique et la société. Ce qui ne signifie guère que nous sommes devenus plus sages face aux défis modernes.
Le point de vue de l’opinion publique sur tout ce qui s’est passé le 10 novembre 1989 demeure ambigu depuis plusieurs décennies déjà. C’est pourquoi l’analyste fait une comparaison assez curieuse concernant les changements qui se sont produits pendant les quelques dernières années.
Pendant les quelques premiers jours et mois qui ont suivi le 10 novembre 1989, j’avais l'impression qu’une grande partie de la nation se sentait assez confuse, déconcertée même. Il s’était passé quelque chose qu’une bonne majorité des gens avaient attendue mais à laquelle ils n’avaient pas trop cru. Personne ne savait pourtant ce qui allait suivre y compris quels seraient les recommandations qui viendraient de l’extérieur et comment il fallait bâtir notre démocratie et mettre en pratique notre économie de marché.
La période couvrant les 10 premières années après cette date de partage, 10 novembre 1989, a coïncidé avec le rétablissement du pays après le dit "hiver de Vidénov". A la fin de l’année 1999, le niveau de vie des Bulgares s’était déjà légèrement stabilisé et la misère semblait restée dans le passé bien que le bel avenir européen dont on avait tellement rêvé eût toujours l’air d’une chimère. 20 ans après le 10 novembre 1989, l’accent avait déjà été mis sur la liberté. Nous étions déjà en mesure de faire une comparaison avec le passé quand nous n’étions guère libres. Aujourd’hui il n’est plus nécessaire de comparaison, quelle qu'elle soit, car il est sûr et certain pour tous que nous vivons beaucoup mieux qu’à l’époque du socialisme. La vraie comparaison qui devrait cependant être faite ne devrait plus avoir que des dimensions qualitatives. Jusqu’aux années 90 du siècle dernier, nous avons été une nation très complexée. Aujourd’hui nous avons beaucoup plus confiance en nous et on peut dire que nous avons accompli dans une certaine mesure ce à quoi avait rêvé à l’époque notre héros national Vassil Levski, à savoir : être égaux avec les autres peuples européens aussi bien pour ce qui est du standing que de la vie et des perspectives des gens. Ce que nous ne sommes toujours pas capables d’apprécier ce sont les acquis qui ont été réalisés en ces 30 ans. S’il faut être objectif, nous devons reconnaître qu’en une période historique relativement brève nous avons effectué de grands progrès. Il y en a pas mal qui, tout à fait subjectivement, qualifient d’échec total la période de transition lors de laquelle « rien n’aurait changé », selon eux.
Pour ce qui est de savoir à quoi ressemblerait la Bulgarie dans 30 ans, Dimitar Petrov expose une théorie plutôt pessimiste selon laquelle il est possible qu’un nouveau "rideau de fer" soit érigé, gardant toutefois l'espoir que cette fois-ci, la Bulgarie se situerait du bon côté. Hypothèse qui pourrait toutefois ne pas se produire si les pays occidentaux modifiaient leur attitude à l’égard de la crise démographique et de la migration.
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