Enseigner est une vocation, dictée par l’amour des enfants. Etre enseignant ou médecin, c’est prendre soin de ce monde et penser à son avenir…Ces mots appartiennent à Milka Mitéva, pédagogue et pianiste dont les élèves ont marqué par un concert le 65^e anniversaire à l’Ecole nationale de Musique « Lubomir Pipkov ». Et son émotion est particulièrement grande en cette fin du mois de mai, lorsque les Bulgares célèbrent leur culture nationale et l’invention de l’alphabet slave…

En ces jours de l’année, je suis toujours très émue et reconnaissante à mes professeurs qui m’ont tant appris. C’est aussi la saison des pivoines, mes fleurs préférées…Enseigner est une vocation et un art, il ne s’agit pas seulement d’être instruit et de bien connaître ses sujets. Que ce soient des lettres, des chiffres ou des notes de musique, leur assemblage produit un résultat magique. Surtout quand il s’agit de musique qu’il faut transmettre de la meilleure manière aux enfants. Leur raconter une histoire pour leur ouvrir les portes de cet univers de sons et d’harmonie. Dans ces cas-là et pour employer un terme de la psychologie, on peut parler d’un véritable transfert, une forme de communion entre l’élève et le maître, dont on garde le souvenir tout au long de sa vie. Je n’oublierai jamais mes professeurs de musique, Panka Pélichek, Miléna Mollova, Mikhaïl Voskrésenski /à Moscou/. Dès ma plus tendre enfance, j’ai su que la musique était mon univers, mon avenir et ma vie…

Cela fait plus de 40 ans, que Milka Mitéva enseigne à l’Ecole nationale de Musique « LubomirPipkov » dont elle a été la directrice pendant 25 ans.Elle se retrouve à latête de l’école à une période de crise politique et économique très grave pour la Bulgarie. Le bâtiment occupé par l’école doit être évacué et restitué à ses anciens propriétaires et elle doit se battre pour trouver un nouveau toit pour ses élèves. Par la suite, elle organise une collecte de fonds pour que le nouveau bâtiment, rue Oborichté, soit réhabilité et agrandi. Un internat spacieux pour les élèves a été construit, ainsi qu’une grande salle de concert. (La dernière avait été construite à Sofia et datait de 1937 – la salle « Bulgaria »)

En effet j’étais en même temps administratrice pendant pas mal de temps. Je me réjouis que les gens s’en rendent compte de ce qu’ j’ai laissé derrière moi pour toutes ces années. Je voudrais cependant souligner une nouvelle fois – mes élèves ont toujours été les plus importants pour moi. Quand je me mets à en parler, je me sens toujours très émue et m’inquiète de n’omettre personne – Tania Siméononova a été ma première élève dans la spécialité « piano ». Elle-même, tout comme Véni Nikolova, Nikola Kovatchev, Nayo Tizin, Paulina Dobrinova, Maria Stoéva, Rossi Milevska, Ivan Kyurkthciev ont réalisé des résultats impressionnants…. S’y trouve parmi eux également le chef d’orchestre Rossen Guergov – un jeune homme qui m’impressionne toujours par ce qu’il fait. Mes actuels élèves sont aussi très talentueux – Mario Bobotsov, Ivana Zafiraki, Bortcheto et Christo Tchoukov, Klavdia Zaïmova et de nombreux autres enfants qui portent cette étincelle dans leurs yeux, cette grâce, ce respect et surtout cet amour. C’est ce qui me donne des forces pour aller de l’avant, découvrir les tous petits talents âgés de 5 à 6 ans qui grandissent et se développent devant mes yeux. 

Il y a des années, c’est grâce à l’idée de Milka Mitéva qu’a été créé le concours international « Jeunes virtuoses » à qui elle est directrice artistique jusqu’aujourd’hui. Le concours est organisé chaque année, les participants se rendant de dix pays, le jury étant pour sa part composé de grands pédagogues et d’interprètes du monde entier. 

Cette année c’était la 14ème édition du concours. Elle n’est pas encore close, la compétition pour des compositions devant se tenir à l’automne. Nous l’avons dédié au 110ème anniversaire de la naissance de Marin Goléminov – une personnalité qui a une place très particulière dans ma vie. Quand j’ai gagné le concours de directrice, il m’a dit : « N’oublie jamais que personne ne s’attaque aux saules mais uniquement aux arbres qui donnent des fruits. Prépare-toi à des moments très difficiles ». C’est exactement ce qui s’est produit. Et je peux dire avec fierté que pendant les années les plus difficiles de la transition j’ai fait l’impossible pour que l’école demeure un îlot de l’espoir pour les jeunes musiciens. Celle-ci leur apprend non seulement un métier. Ils apprennent à être compétitifs non pas uniquement en Bulgarie mais aussi dans toutes les universités mondiales en Europe et aux USA. C’est un grand acquis et j’en suis très fière. 

Photos: archives personnelles